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Risques biologiques : la menace du paludisme

Par Dominique Forget

26 novembre 2007 à 0 h 11

Mis à jour le 17 avril 2015 à 16 h 04

Les Occidentaux ne s’intéressent généralement au paludisme (malaria) que lorsqu’ils partent vers une destination exotique. Pour se prémunir contre le parasite, transmis par la piqûre d’un moustique femelle, les voyageurs se font prescrire des médicaments antipaludiques qu’ils prennent quotidiennement durant leur séjour dans les régions endémiques.

«Attention, les médicaments sont de moins en moins efficaces», avertit Tatiana Scorza, professeure au Département de sciences biologiques et experte en parasitologie. «Les parasites ont développé des mécanismes de résistance aux médicaments antipaludiques.» Cette résistance n’inquiète pas que les touristes. L’armée américaine, qui envoie ses soldats en Irak, investit de coquettes sommes dans la recherche de nouveaux moyens de contrer la malaria.

En collaboration avec le professeur Terence Spithill, de l’Université McGill, Tatiana Scorza a récemment testé un vaccin à base d’ADN qui pourrait aider à prévenir le paludisme. «Lorsque les fragments d’ADN du parasite pénètrent dans les cellules humaines, l’organisme se met à fabriquer des protéines caractéristiques du parasite et ensuite à produire des anticorps appropriés pour se défendre.» Ce vaccin n’est pas le premier en son genre. Plusieurs autres ont été mis au point par des équipes internationales. Le hic, c’est qu’ils ne sont pas toujours efficaces. «Il existe plusieurs espèces de Plasmodium, le parasite qui cause le paludisme. Et pour chaque espèce, il existe plusieurs souches. D’une à l’autre, les protéines caractéristiques ne sont pas les mêmes. Ainsi, un vaccin peut très bien être efficace contre une souche présente en Asie, mais inefficace en Afrique.»

Les recherches de Spithill et Scorza ont identifié des protéines présentes, à quelques variantes près, dans une grande variété de souches de Plasmodium. Pour l’instant, leur vaccin a été testé chez des souris infectées… avec succès. Reste à voir s’il pourrait donner des résultats intéressants chez les humains. «À partir du sang des souris, nous allons extraire les anticorps que les rongeurs ont fabriqués pour se défendre, dit la professeure. Nous allons les mettre en contact avec des cellules humaines infectées par différentes souches de Plasmodium et voir s’ils sont efficaces. Ça nous donnera une bonne indication du potentiel du vaccin chez les humains. »

Pour Tatiana Scorza, la recherche d’un vaccin contre le paludisme est plus pressante que jamais. Dans le contexte des changements climatiques, on prévoit une augmentation de la prévalence de la maladie dans les régions où elle sévit déjà. Les régions endémiques pourraient également étendre leurs tentacules, permettant la migration de l’anophèle, le moustique porteur du parasite, vers des régions plus nordiques. «Malheureusement, le vaccin risque d’être peu efficace pour les habitants des régions où la malaria est déjà présente», regrette Tatiana Scorza. Les habitants de ces régions ont souvent déjà été en contact avec le parasite. Un tel contact semble altérer leur système immunitaire et se traduire par une réponse faible aux vaccins. La professeure Scorza mène des recherches sur les mécanismes responsables de cette dysfonction du système immunitaire qui permettront, à long terme, d’aider ces populations.