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Pour l’amour du droit

Par Marie-Claude Bourdon

13 décembre 2007 à 0 h 12

Mis à jour le 28 août 2018 à 10 h 08

Série Tête-à-tête
Rencontre avec des diplômés inspirants, des leaders dans leur domaine, des innovateurs, des passionnés qui veulent rendre le monde meilleur.​

Love, son joli prénom, n’est pas plus commun à Port-au-Prince, où elle est née, qu’à Rivière-des-Prairies, où elle a grandi. «C’est une élucubration de mon père», dit la jeune femme en riant, avouant du même coup qu’elle a toujours aimé porter ce prénom qu’on remarque et qui lui sert de carte de visite. «Les gens s’en souviennent», confirme l’avocate de 34 ans, en poste à Quito, capitale de l’Équateur, au service du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) des Nations Unies jusqu’en septembre dernier.

Spécialiste de la réinstallation, Love Saint-Fleur (LLM. droit international, 05) s’occupe des réfugiés colombiens qui fuient le conflit interne qui sévit dans leur pays entre le gouvernement, les mouvements para-militaires et la guérilla. Elle les reçoit, écoute leurs histoires douloureuses, défend leur cause auprès des autorités locales, aide à remplir des papiers, parfois à trouver du travail, un toit et même, dans certains cas, un nouveau pays d’accueil. « C’est très satisfaisant, dit l’avocate. Je fais un travail auquel je crois.»

Avant d’être nommée à Quito, il y a deux ans, elle a passé deux ans et demi dans un bureau du HCR installé dans un village perdu à la frontière du Venezuela et de la Colombie, non loin d’une zone de combat. «C’était un endroit dangereux, comme le sont souvent les zones frontalières, sans aucun confort», se souvient la jeune femme, qui a apprécié la tranquillité relative de Quito, ses marchands de fleurs et autres douceurs. «Il y a un système de rotation au HCR, explique-t-elle. On alterne entre des postes plus calmes et d’autres plus difficiles, à proximité des zones de conflit. Après Quito, je vais certainement me retrouver en Afrique quelque part.»

Love, qui n’a raté aucun stage de coopération à l’étranger pendant ses études, a toujours rêvé de sillonner le monde pour défendre les droits humains. D’où lui vient cette passion? Pas d’une enfance opprimée : avec sa personnalité rayonnante et ses bonnes notes, elle était plutôt du genre à être le leader de sa classe. «Je n’ai pas souffert de discrimination, dit-elle. C’est l’injustice envers les autres que je ne supporte pas.» L’injustice envers les autochtones, auxquels elle a dédié son mémoire de maîtrise. L’injustice envers les pauvres, les minorités, les femmes, les exilés et autres malmenés de la planète.

«Ce que j’admire le plus chez elle, c’est qu’à côté de son extrême rigueur, elle est d’une grande humanité. Elle s’implique énormément dans toutes les causes dont elle s’occupe», dit son conjoint Christian Champigny (M.A. science politique, 02), un travailleur humanitaire qui a oeuvré pour Médecins sans frontières et le Comité international de la Croix-Rouge. Quand Love était au Venezuela, il y a quelques années, lui était à Kabinda, une enclave de l’Angola où un groupe armé lutte toujours pour son indépendance.

Unis dans la vie et dans leurs idéaux, les deux «humanitaires» se sont rencontrés en 1999, à la section montréalaise de l’organisme Droits et Démocratie. Love revenait à ce moment-là de la Sorbonne, à Paris, où elle a complété une première maîtrise en droit international. Tous deux se sont côtoyés sur les bancs de la Faculté de science politique et de droit et se sont finalement mariés en 2003. Mais la vie de couple n’est pas facile quand les distances se comptent en milliers de kilomètres. «On dit que le HCR est l’agence de l’ONU qui enregistre le plus haut taux de divorce!» dit Love à la blague.

L’éloignement de Christian et de ses proches, le prix à payer pour avoir réalisé son rêve professionnel, lui pèse de plus en plus. D’ici à sa prochaine affectation, elle a obtenu un congé de quelques mois pour se reposer dans la maison que le couple vient d’acquérir à Montréal, près du marché Jean-Talon. Mais pas question d’abandonner sa croisade : «Le droit international, ça peut être très théorique, dit-elle. Au cours des dernières années, on a beaucoup travaillé sur le développement des normes. Mais comment faire pour les appliquer? Tout le défi est là. Moi, c’est l’action qui m’intéresse. Le droit doit servir à changer les choses.»