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Politologue prolifique

Par Claude Gauvreau

15 octobre 2007 à 0 h 10

Mis à jour le 17 avril 2015 à 16 h 04

Le lauréat 2007 du Prix Marcel- Vincent en sciences sociales de l’ACFAS est un auteur prolifique, un conférencier recherché et le mentor de nombreux jeunes chercheurs d’ici et de l’étranger. Titulaire de la Chaire de recherche du Canada en études québécoises et canadiennes, le politologue Alain-G. Gagnon est aussi reconnu internationalement comme l’un des plus importants analystes des société multinationales.

«J’ai beaucoup travaillé sur les questions de l’éthique et du rapport à l’Autre», dit celui qui s’intéresse à la capacité des États multinationaux à jumeler justice et stabilité dans la gestion de la diversité nationale et culturelle. Préoccupé par la façon dont le Québec et les Premières nations peuvent faire valoir leurs revendications, Alain-G Gagnon suit de près l’actualité politique et n’hésite pas à intervenir dans le débat public.

Pour lui, la reconnaissance de la nation québécoise par la Chambre des Communes à Ottawa «constitue un gain majeur sur le plan symbolique et permet au Québec de s’affirmer davantage sur la scène internationale ». Le Québec peut aussi s’inspirer des autres petites nations qui utilisent leur autonomie pour renforcer leur présence au sein des institutions européennes, indique-t-il en citant l’exemple de l’Association des régions européennes qui comprend des représentants de l’Écosse, de la Catalogne, de la Flandre et de la Wallonie.

«La motion Harper sur la reconnaissance de la nation québécoise aura une portée significative à l’intérieur de la fédération canadienne le jour où la Cour Suprême du Canada s’en servira pour interpréter des lois et permettre au Québec d’avoir des politiques culturelle et d’immigration qui répondent à ses besoins, sans que le fédéral n’intervienne dans ses champs de compétence exclusifs», souligne le chercheur.

Pour un «nous» inclusif

Le professeur Gagnon croit que la diversité culturelle et ethnique enrichit nos expériences personnelles et collectives en favorisant le dialogue et les échanges entre différentes traditions, idéologies et valeurs. «Dans certains pays anglo-saxons adeptes du multiculturalisme, comme l’Angleterre, l’Australie et les États-Unis, on constate un ressac contre la diversité, en particulier depuis le 11 septembre 2001, dit-il. L’interculturalisme québécois répond mieux aux défis de la diversité que le modèle multiculturel canadien ou britannique basé sur la juxtaposition de communautés. Les Québécois veulent que les nouveaux arrivants participent à la construction de la nation québécoise et adhèrent à ses valeurs libérales et pluralistes.»

Dans le retour au «nous» de la majorité francophone prôné par Pauline Marois et d’autres, Alain-G. Gagnon voit le risque d’un dérapage. «Il ne s’agit pas de déraciner ce nous qui est inscrit dans l’histoire, ou de nier l’influence prédominante du noyau francophone, mais il reste que les Québécois francophones ont construit le Québec que l’on connaît aujourd’hui, avec les Québécois anglophones et les Premières nations. Depuis deux décennies, beaucoup d’efforts ont été déployés pour développer une société ouverte à l’ensemble des citoyens qui composent la diversité québécoise. Le nous doit être inclusif.»

Un défi de société

Le politologue s’intéresse aux travaux de la Commission Bouchard-Taylor qui, selon lui, s’apparentent à une réflexion sur la citoyenneté québécoise. «La discussion se fait entre Québécois de toutes appartenances, comme si le Québec avait cessé de se définir par rapport au reste du Canada. C’est la fin de la conversation canadienne et le début de la vraie conversation québécoise, affirme M. Gagnon. Ce n’est pas un hasard si, ailleurs au pays, on regarde avec une certaine suspicion ce qui se passe au Québec. Nombreux sont les Canadiens qui perçoivent encore les Québécois comme une communauté ethnique figée historiquement, insensible à l’autre. Pourtant, le débat collectif qui se mène actuellement au Québec prouve le contraire.»

La société doit donner à tous les citoyens la même possibilité de s’épanouir, quelle que soit leur origine ethnique et leur confession religieuse, souligne M. Gagnon, pour qui le sens premier des accommodements raisonnables demeure la lutte contre toute forme de discrimination. Cela dit, poursuit-il, on ne peut pas empêcher l’apparition de tensions qui sont normales dans l’exercice de la démocratie. «Beaucoup de Québécois estiment par exemple que l’espace public doit être laïque et que les gens devraient laisser à la maison leur croix, leur kirpan ou leur hidjab. Quant aux personnes qui manifestent de l’intolérance, les Québécois eux-mêmes les décrivent comme intolérantes.»

Alain-G. Gagnon estime enfin que les organisations de la société civile, comme les syndicats et les grandes corporation professionnelles, doivent s’impliquer davantage pour rapprocher les différentes communautés. «Le fait que l’on essaie de s’entendre sur une citoyenneté québécoise qui prône l’égalité et des valeurs communes à partager constitue un beau défi de société», conclut-il.