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Pare-Chocs contre la dépression chez les ados

Par Pierre-Etienne Caza

8 janvier 2007 à 0 h 01

Mis à jour le 17 avril 2015 à 16 h 04

Bon an mal an, le taux de suicide élevé chez les jeunes du Québec revient périodiquement à l’avant-scène de l’actualité alors que peu de place est accordée à la problématique de la dépression chez les adolescents. Plusieurs études démontrent pourtant que les symptômes de la dépression augmentent de façon fulgurante entre l’enfance et l’adolescence, et ce, de façon constante jusqu’au début de l’âge adulte. «Environ 16 % des ados québécois, dont une majorité de filles, présentent suffisamment de symptômes de dépression pour qu’il y ait lieu d’intervenir, alors que de 5 % à 9 % présentent un trouble dépressif majeur, ce qui est énorme», affirme Diane Marcotte, professeure au Département de psychologie. Concrètement, cela signifie que dans une école secondaire de 1 000 élèves, 50 sont vraiment dépressifs et 160 présentent assez de symptômes pour être à risque. Curieusement, aucun programme de traitement et de prévention n’existait au Québec avant que la professeure ne crée le programme Pare-Chocs, lancé officiellement l’automne dernier en collaboration avec le Centre de transfert pour la réussite éducative du Québec (CTREQ) et Septembre éditeur.

Destiné aux adolescents de 14 à 17 ans, ce programme est le fruit de dix années de travail, qui ont débuté par des recherches sur les modèles prédicteurs de la dépression. Au fil des ans, Mme Marcotte s’est intéressée aux programmes américains et australiens de traitement et de prévention de la dépression chez les adolescents, publiant quelques articles sur leurs mérites respectifs… et leur principale lacune. «Il s’agissait à la base de programmes pour les adultes qui n’incluaient pas de composantes propres à l’adolescence, dit-elle. Par exemple, rien ne faisait mention de la puberté! Or, les ados grandissent de 25 cm et prennent 12 kilos sur une période d’environ quatre ans.» Ayant en tête la création d’un programme francophone adapté à la réalité québécoise, elle a retenu des programmes existants les composantes les plus intéressantes – dont elle a obtenu les droits d’auteur avant de les traduire – puis a pris soin d’ajouter des composantes sur l’image corporelle, l’estime de soi et… l’école.

Car même si le programme s’adresse autant au milieu clinique (CLSC et hôpitaux) que scolaire, l’école demeure selon Mme Marcotte «le milieu de vie naturel» des ados, et offre des facteurs de protection contre la dépression qui n’ont jamais été utilisés dans les programmes existants. «La réussite scolaire est l’un de ces facteurs, explique-t-elle. Pour cette raison, Pare-chocs s’attarde à la capacité d’attention et de concentration, à l’organisation du travail et à la gestion du temps. Il propose également aux adolescents dépressifs d’établir un lien avec des adultes à l’extérieur de la famille, car il y a souvent un parent dépressif dans la famille des adolescents les plus à risque. Les activités parascolaires, qu’elles soient de type sportif, culturel ou spirituel, permettent aux ados d’entrer en contact avec des adultes non dépressifs.»

La trousse Pare-Chocs

Pare-Chocs ne s’adresse pas aux jeunes sévèrement dépressifs, visant plutôt les 16 % d’ados à risque. Pour les repérer, les intervenants – préférablement formés en santé mentale et possédant une expérience en intervention de groupe auprès des adolescents – distribuent un questionnaire d’évaluation, avec l’accord des parents. Ils rencontrent ensuite les élèves jugés «à risque». Lors de cette entrevue, ils les invitent à participer au programme en leur expliquant la démarche, qui consiste en une douzaine de rencontres de 90 minutes à deux heures chacune, en groupe de six à dix personnes, en dehors des heures régulières de classe. «Certains sont réticents au début, mais ils reconnaissent habituellement rapidement qu’une telle démarche leur fera du bien», souligne Mme Marcotte.

Concrètement, Pare-Chocs se présente sous forme de trousse qui renferme tout ce dont l’intervenant aura besoin : manuels, cahiers des participants, fiches reproductibles, etc. «Toutes les activités et exercices proposés s’appuient sur des données provenant de recherches spécifiques, rassemblées en douze composantes distinctes, explique Mme Marcotte. Le programme vise à développer des outils et des habiletés comme facteurs de protection, pour être davantage résilient devant l’adversité.» La trousse renferme même certains gadgets que les ados aiment bien, tel le thermomètre de l’humeur, qui mesure la température digitale. «Lorsqu’on est stressé, on a les mains froides, observe Mme Marcotte, en précisant que le stress constitue un facteur de risque car il empêche d’utiliser adéquatement ses habiletés.»

Aux rencontres avec les adolescents s’ajoutent trois rencontres avec les parents. «La dépression est souvent taboue, surtout si l’un des parents de la famille en souffre, observe Mme Marcotte. Mais il faut aborder le sujet pour que toute la famille puisse en reconnaître les symptômes, et ainsi prévenir les rechutes.» Les évaluations effectuées au cours des deux dernières années sur les diverses composantes de Pare-Chocs ont été concluantes. «Nous observons une diminution des symptômes de dépression, une diminution des conflits avec les parents et une augmentation de l’estime de soi et des habiletés au niveau des relations interpersonnelles», affirme fièrement la chercheuse.

Quelque 500 trousses ont été produites et se vendent 260 $ chacune. Mme Marcotte tient à souligner la collaboration précieuse du Bureau des partenariats de l’UQAM, qui a été impliqué pour l’obtention d’une licence de diffusion et les questions relatives aux droits d’auteur.