Étudiant en science politique et coordonnateur de l’Observatoire sur les États-Unis à la Chaire Raoul-Dandurant en études stratégiques et diplomatiques, Joël Plouffe prépare un mémoire de maîtrise sur la redéfinition de la zone géopolitique du cercle polaire à l’heure de la fonte des glaces. Passionné, il ne s’est pas contenté de tout lire sur le sujet. Il a invité à Montréal les principaux experts de la question pour venir en discuter dans le cadre du colloque international Les États-Unis, les changements climatiques et l’Arctique. Cet événement prestigieux, soutenu par de nombreux commanditaires, dont le ministère des Affaires indiennes et du Nord, la Défense nationale du Canada et le ministère des Relations internationales du Québec, se tiendra au Centre des sciences de Montréal les 19 et 20 avril.
«C’est une première au Canada», dit avec fierté le titulaire de la Chaire Raoul-Dandurand et directeur de l’Observatoire des États-Unis, Charles-Philippe David. Depuis la fin de la guerre froide, on s’est très peu intéressé au nord du Canada. Mais avec la fonte des glaces et l’ouverture, dans les 10, 20 ou 40 prochaines années du passage du Nord-Ouest, cette zone géopolitique fragile redevient le terrain d’enjeux importants, stratégiques, économiques, juridiques et environnementaux.
Jusqu’à aujourd’hui, le passage du Nord-Ouest, qui permet une liaison plus rapide entre l’Europe et l’Asie, est navigable seulement quelques semaines par année, explique Joël Plouffe. «Cette période va toutefois s’allonger d’une façon marquée au cours des prochaines décennies, ouvrant ainsi la voie à une intensification de la navigation dans ces eaux que le Canada considère comme faisant partie de ses eaux intérieures, alors que les États- Unis maintiennent qu’il s’agit d’une route maritime internationale.»
La dernière frontière
Plus de commerce maritime signifie davantage de risques d’accidents écologiques ainsi que des possibilités accrues d’exploitation du territoire. «L’Arctique, c’est un immense territoire encore vierge à exploiter, c’est la dernière frontière», souligne le jeune chercheur. On pense d’ailleurs que les eaux de l’Arctique pourraient contenir d’importants gisements d’hydrocarbures.
Mais l’ouverture du passage du Nord-Ouest amène aussi de nouvelles préoccupations en matière de souveraineté et de défense nationale. «Quel sera l’impact des changements climatiques sur notre stratégie dans le Nord? Quelle est la menace? Ce sont les questions qu’il faudra se poser», dit le chercheur, qui croit que le Canada et les États-Unis devront trouver le moyen de gérer leur contentieux territorial afin d’unir leurs efforts pour assurer leur sécurité commune dans cette vaste région inhabitée.
«Alors qu’on est habitué de penser au Canada comme à un pays arctique, on l’est moins en ce qui concerne les États-Unis, observe Joël Plouffe. Pourtant, quand on regarde le sommet du monde, on se rend compte qu’avec l’Alaska, un État immense et très prospère, les États-Unis sont aussi un pays arctique, de même évidemment que le Danemark/Groenland, l’Islande, la Norvège, la Suède, la Finlande et la Russie.»
Quel est l’intérêt réel de la superpuissance américaine pour le Nord? Quelles sont ses capacités actuelles pour défendre sa position dans la région? Quels seront les impacts au Québec et au Canada des politiques adoptées à Washington? Des experts américains et canadiens de divers horizons viendront à Montréal jeudi et vendredi pour discuter de ces enjeux. Plus tôt dans la semaine, diverses activités sont organisées au Coeur des sciences de l’UQAM en prévision du colloque. Lundi, l’anthropologue et spécialiste du Nord Bernard Saladin D’Anglure donnera une conférence sur les conséquences des changements climatiques sur les populations de l’Arctique. Mardi, on pourra assister à un spectacle gratuit du groupe Taïma, précédé de la projection du film La grande traversée, de Jean Lemire et Thierry Piantanida.