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Les effets du stress sur la maladie

Par Marie-Claude Bourdon

1 octobre 2007 à 0 h 10

Mis à jour le 17 avril 2015 à 16 h 04

Professeure au Département de psychologie, Kim Lavoie a deux laboratoires : un à l’Hôpital du Sacré-Coeur, où elle s’intéresse aux maladies pulmonaires comme l’asthme et la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC), une maladie dégénérative due au tabac, et un autre à l’Institut de cardiologie de Montréal. Dans ses deux laboratoires, la psychologue s’intéresse aux effets du stress et des troubles psychiatriques sur l’évolution de certaines maladies. Son but? Convaincre les médecins, grâce à des études menées sur leur terrain, du sérieux de ces effets.

La comorbidité psychiatrique, c’est-à-dire la présence chez une personne de troubles psychiatriques en même temps qu’une autre maladie, est très fréquente chez les asthmatiques et encore davantage chez les victimes de la MPOC. Selon les études menées par l’équipe de Kim Lavoie, le tiers des asthmatiques souffrent d’au moins un trouble de l’humeur (dépression) et/ou d’un trouble anxieux. Douze pour cent font des attaques de panique, comparativement à 2 % dans l’ensemble de la population. Chez les personnes souffrant de la MPOC, 49 % ont aussi un diagnostic psychiatrique et cette comorbidité est deux fois plus importante chez les femmes : 50 % ont au moins un trouble anxieux.

«Chez ces patients, une étude menée par l’une de mes étudiantes a montré que le fait d’avoir un trouble psychiatrique augmente le risque d’exacerbation de la maladie, au point de nécessiter un changement de médication», rapporte la psychologue. Chez les cardiaques connus, comme elle l’a déjà montré lors d’une autre étude conduite il y a quelques années, une crise de panique provoquée en laboratoire crée une ischémie – la réduction du flot sanguin vers le coeur responsable de la crise cardiaque – aussi, sinon plus sévère, que le tapis roulant. Chez les asthmatiques, les troubles psychiatriques s’accompagnent d’une prise de médicaments moins efficace, d’une moins grande qualité de vie et d’un plus grand nombre de visites à l’urgence.

Des patients inquiets

«Ce n’est pas nécessairement parce que leur asthme est plus grave que ces patients vont plus souvent à l’urgence, dit la psychologue, mais parce qu’ils sont davantage inquiets. On les renvoie à la maison en leur disant que ce n’est pas grave, que c’est juste de l’anxiété. On devrait pourtant savoir que si leur trouble anxieux n’est pas contrôlé, ils vont revenir dans une semaine!»

Kim Lavoie voudrait que les services d’urgence détectent davantage le trouble panique : «Ce trouble est aussi très fréquent chez les patients qui se présentent avec une douleur thoracique, dit-elle. Parfois, la douleur peut être causée par une indigestion, mais parce qu’ils sont inquiets, ils précipitent à l’urgence en craignant de faire une crise cardiaque.»

Pour convaincre les médecins qu’il faut traiter et référer les patients présentant des comordibités psychiatriques, la chercheuse utilise leur langage : elle leur parle de mécanismes pathophysiologiques, de nombre d’épisodes, de rechutes, d’utilisation des ressources. «Si un pneumologue reçoit un patient et qu’il détecte un problème de haute pression, il va le référer à un cardiologue. Mais s’il trouve que le patient est anxieux, il va mettre une note dans son dossier et, très souvent, les choses vont en rester là. Pourtant, ce n’est pas comme si on manquait de psychologues au Québec!»

Le message de Kim Lavoie commence sans doute à passer puisqu’elle vient de recevoir le Prix d’excellence en cardiologie préventive de la Fondation des maladies du coeur du Québec. Décerné en juillet dernier dans le cadre de la 4e Conférence internationale sur la cardiologie préventive, ce prix s’accompagne d’une bourse de 20 000 $, qui s’ajoute aux autres subventions déjà accordées à cette jeune chercheuse prometteuse.