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Le prophète, entre le mot et l’image

Par Marie-Claude Bourdon

1 octobre 2007 à 0 h 10

Mis à jour le 17 avril 2015 à 16 h 04

Lorsque la crise des caricatures du prophète Muhammad a éclaté, à l’hiver 2006, Olga Hazan, professeure associée au Département d’histoire de l’art, avait déjà dressé le plan d’un projet de recherche sur la «Figuration du sacré, entre judaïsme, christianisme et Islam». C’est dans le cadre de ce projet, financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, qu’est offerte à partir du 3 octobre une série de rencontres interdisciplinaires visant à observer la manière dont le prophète de l’Islam a été évoqué à travers l’histoire.

«Contrairement à ce que l’on pense généralement, il n’y a aucune interdiction concernant la représentation du prophète dans le Coran», affirme Olga Hazan. On retrouve bien, précise-t-elle, quelques interdits dans les Hadiths (l’ensemble des paroles et des actions de Muhammad). «Mais leur portée n’est pas si importante puisque l’on retrouve des représentations de Muhammad dans des manuscrits arabes, persans et turcs, au moins à partir du 14e jusqu’au 19e siècle.»

Avec les siècles, la figure du prophète évolue, cependant. Au départ, il est représenté comme les autres personnages, parfois avec une auréole. Puis, il apparaît avec une flamme signalant son statut prophétique audessus de la tête. Ensuite, la flamme remplace la tête, et finalement tout le corps disparaît au profit de la flamme.

Monothéisme et destruction des idoles

Cette schématisation progressive du corps de Muhammad est particulière à l’Islam, note Olga Hazan, mais il ne faut pas croire que c’est la seule religion à interdire (plus ou moins) la représentation du sacré. «Le monothéisme s’inscrit dans l’histoire par un geste de destruction des idoles, observe-t-elle. De la même manière qu’Abraham détruit les idoles de son père, Muhammad et Ali, lorsqu’ils reviennent à la Kaaba en 630, vont détruire les idoles païennes. En fait, les trois religions monothéistes que sont le judaïsme, le christianisme et l’Islam se sont constituées contre le paganisme et l’idolâtrie.»

Le Deuxième commandement de la Torah est un interdit de l’idolâtrie et non de la représentation, mais il a certainement eu un effet d’intimidation, souligne l’historienne : «En tout cas, la sculpture n’a pas du tout été encouragée parce que le sujet sculpté peut facilement devenir un objet d’adoration. » Dans l’histoire du christianisme, il y a eu la période iconoclaste : entre les 8e et 9e siècles, des empereurs byzantins font détruire les icônes. Ils interdisent, puis réhabilitent la représentation du Christ, de la Vierge et des saints, provoquant de graves crises sociales et religieuses.

«La question de l’interdit s’est posée dans les trois traditions religieuses et c’est pourquoi il m’apparaît important de l’aborder par rapport aux trois corpus, explique Olga Hazan. L’image a un pouvoir tel qu’on peut l’interdire, l’adorer ou la détruire. Mais qu’y a-t-il, dans la facture de l’image, qui fait qu’elle peut ainsi être assimilée à la chose sacrée?»

La première série de rencontres organisée cet automne par Olga Hazan et le Cercle d’étude sur la figuration du sacré s’intitule Le Prophète Muhammad : entre le mot et l’image. «Dans la plupart des cas, les conférenciers vont faire ressortir les paradoxes et ambiguïtés reliés à l’évocation de l’image du prophète, qu’il s’agisse d’une image peinte ou décrite, colportée, interdite ou occultée», dit l’historienne de l’art.

Place à l’histoire

Les rencontres, qui visent à mieux faire connaître l’Islam dans l’histoire, auront lieu tous les premiers et troisièmes mercredis du mois, de 12h45 à 13h45, au local DS-1950. La première rencontre, le 3 octobre, sera consacrée à la projection d’un documentaire franco-canadien d’Arte, Mahomet : vers la Prophétie, suivie d’un commentaire par Jean-René Milot, professeur associé au Département des sciences des religions. Parmi les autres conférenciers attendus, figurent Salah Basalamah, professeur à l’École de traduction et d’interprétation de l’Université d’Ottawa, Walid El Khachab, professeur adjoint en Études arabes à l’Université York, et Georges Leroux, professeur au Département de philosophie.