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L’amour au temps du VIH

Par Marie-Claude Bourdon

19 février 2007 à 0 h 02

Mis à jour le 17 avril 2015 à 16 h 04

Imaginez que vous avez 15 ans, que vous êtes amoureux pour la première fois, que vous venez de connaître vos premiers émois et que vous êtes… séropositif. L’expérience de la sexualité chez les adolescents infectés par le VIH pendant la grossesse de leur mère est un terrain de recherche qui commence tout juste à être exploré. «Les premières cohortes d’enfants nés avec le virus arrivent aujourd’hui à l’adolescence, souligne la chercheuse Mylène Fernet. On ne sait rien sur eux. Ils sont traités aux antirétroviraux et la plupart sont asymptomatiques, mais on ne sait même pas quelle est leur espérance de vie.»

Professeure au Département de sexologie, Mylène Fernet entreprend la seconde phase d’une recherche longitudinale portant sur une trentaine de ces adolescents. Âgés de 10 à 18 ans, ils ont été recrutés à l’Hôpital Sainte-Justine et ont été interviewés une première fois il y a deux ans. Pour respecter les normes sévères de confidentialité entourant ces jeunes, les entrevues sont menées par un membre de leur équipe soignante. La chercheuse a accès aux enregistrements sonores.

«Déjà, les enjeux liés au début de l’activité sexuelle sont importants chez les adolescents en santé, note Mylène Fernet. Ils le sont encore plus quand on est porteur du VIH.» La peur du rejet, entre autres, est multipliée par 10. Sur les 30 jeunes interviewés, six avaient expérimenté une première relation sexuelle. «La plupart ne disent pas qu’ils sont séropositifs, révèle la sexologue. Mais ils sont très préoccupés par la santé de leur partenaire amoureux et trouveraient inconcevable de ne pas se protéger. Ils vont donc utiliser différentes stratégies. Par exemple, une fille va dire qu’elle ne prend pas la pilule pour obliger son partenaire à mettre un condom.»

Un stigmate terrible

Pourtant, ce n’est pas l’envie de se confier qui manque. Comme tous les adolescents, ces jeunes aspirent à être authentiques dans leurs relations. Mais quel est le bon moment pour s’ouvrir à l’autre? Au tout début de la relation? Trop tôt… Quand on se connaît un peu mieux et qu’on a acquis une certaine confiance? Oui, mais n’est-ce pas courir le risque de se voir accusé d’avoir trahi l’autre?

«Beaucoup des recherches menées auprès des jeunes infectés par le VIH sont des recherches quantitatives, dit Mylène Fernet. On innove dans ce domaine en proposant des analyses qualitatives, dont le modèle pourrait être repris ailleurs, notamment en France.»

Un nouveau laboratoire

Un tout nouveau Laboratoire d’étude sur la violence et la sexualité sera bientôt aménagé à l’UQAM grâce à une subvention d’infrastructure de 452 000 $ que la chercheuse a reçue de la Fondation canadienne pour l’innovation. Avec sa salle d’attente indépendante prévue pour protéger la confidentialité des personnes interviewées, ses salles d’entrevue individuelle, en couple ou de groupe et ses multiples caméras vidéos, «le laboratoire a été pensé pour développer la méthode de recherche qualitative en donnant accès directement au langage non verbal», explique la chercheuse. Elle y poursuivra entre autres ses travaux sur la violence dans les relations amoureuses adolescentes. Une dizaine de chercheurs, dont Sophie Boucher, professeure au Département de psychologie, et Martine Hébert, du Département de sexologie, utiliseront également les installations pour mener leurs propres projets.