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L’âme du Théâtre Sans Fil

Par Pierre-Etienne Caza

2 avril 2007 à 0 h 04

Mis à jour le 17 avril 2015 à 16 h 04

«Hormis Bobinette, Pépinot et Capucine, il s’agissait de mon premier contact avec les marionnettes», raconte en riant André Viens à propos d’un atelier suivi lors de sa deuxième année de baccalauréat en animation culturelle, à l’UQAM, en 1971. Pour lui et quelques condisciples, le coup de foudre avec le bunraku, vieille technique de théâtre japonais utilisant des marionnettes de grande taille, fut instantané. Leur production de fin de session s’en inspira et ils connurent un succès retentissant qui traça la voie à la création d’une entreprise audacieuse. Trente-six ans plus tard, les marionnettes géantes du Théâtre Sans Fil et leurs histoires fantastiques ont séduit plus de trois millions de spectateurs, dans une vingtaine de pays de quatre continents. La Faculté de communication décerne son Prix Reconnaissance UQAM 2007 à André Viens, directeur général et artistique du Théâtre Sans Fil.

Orienté dès le départ vers la clientèle adulte, le Théâtre Sans Fil (TSF) a produit à ce jour près d’une vingtaine de spectacles de marionnettes géantes, en s’établissant d’abord au Québec avec des productions à saveur nationaliste. «Avec l’élection du Parti Québécois, en 1976, j’ai cru que nous devions délaisser les connotations politiques pour nous concentrer sur le développement de notre technique et de notre art», explique André Viens, qui souhaitait sortir des frontières du Québec. Certains membres de la troupe, en désaccord, choisiront alors de claquer la porte.

Pour percer hors Québec, André Viens décide de traduire les productions du TSF en anglais, travaillant désormais avec des voix off. Il remporte son pari et obtient un vif succès avec l’adaptation de légendes amérindiennes, notamment Ciel bleu prend femme, un conte érotique. En 1980, le TSF est invité au Festival mondial de la marionnette, à Washington. «J’ai pu constater que notre produit était unique au monde, se rappelle M. Viens. Les portes se sont alors ouvertes aux États-Unis et à l’international.»

Créations originales ou adaptations, toutes les productions du TSF ont en commun d’être traduites dans la langue d’accueil du pays hôte, en faisant appel à des comédiens locaux. «Cela occasionne de belles rencontres», confie M. Viens, qui a veillé à l’adaptation de ses productions en anglais, en cantonais, en espagnol, en vietnamien, en hébreu et en japonais.

L’imaginaire et le fantastique

À partir de la fin des années 70, le TSF opte pour le créneau fantastique. Le Hobbit, adapté en 1979 à partir du célèbre roman de Tolkien, devient rapidement un succès international, joué plus de 1 300 fois à travers le monde. Le Seigneur des Anneaux, adapté en 1985, constitue également l’une des belles réalisations du TSF… et l’une des préférées d’André Viens. «Je m’intéresse à l’imaginaire, aux légendes, aux mythes et à la science-fiction, tout en traitant de réalités, de valeurs et de sentiments humains, explique-t-il. Je souhaite que le spectateur pénètre dans un autre univers.»

Les trames sonores originales, les effets spéciaux, les éclairages et les projections jouent un grand rôle dans la création de ces univers fantastiques. En sortant de la salle, les gens parlent souvent du spectacle comme si c’était un film, le plus beau des compliments, selon M. Viens. «Je ne veux pas qu’on s’ennuie, comme c’est trop souvent le cas au théâtre», déclare-t-il d’un ton critique.

Avec le temps, les marionnettes du TSF ont grandi. Alors que les premières mesuraient entre 1,60 m et 2,20 m, certaines atteignent aujourd’hui 4 mètres. Lors des festivités du 350e anniversaire de Montréal, en 1992, le spectacle à caractère historique baptisé Le Grand Jeu de Nuit, présenté sur la Place d’Armes, mettait en scène des marionnettes de dix mètres de hauteur! «C’était exceptionnel, car nous étions à l’extérieur», précise toutefois M. Viens.

Un art majeur!

Pour André Viens, ce Prix Reconnaissance mettra en lumière un art particulier, la marionnette, qui est souvent perçu à tort comme un art mineur. Directeur de compagnie depuis plus de 35 ans, il admet qu’il est difficile de persévérer et de se renouveler sans cesse. «Je vieillis mais je ne veux pas m’asseoir sur mes lauriers, car pour moi, l’émerveillement des spectateurs est le meilleur salaire!» L’hiver prochain, les Montréalais devraient pouvoir assister au deuxième épisode de la plus récente production du TSF, intitulée Le Royaume des Devins.