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L’adolescence au-delà des clichés

Par Claude Gauvreau

15 octobre 2007 à 0 h 10

Mis à jour le 17 avril 2015 à 16 h 04

Vrai ou faux? L’adolescence est une période de la vie difficile, marquée par une quête d’identité, la confusion des sentiments et des rapports difficiles avec l’autorité. «Tout cela est vrai, mais l’adolescence est aussi un période d’expression de soi, de créativité, de projets et de rencontres significatives avec des pairs ou des adultes qui peuvent accompagner et soutenir les jeunes dans ce passage de la vie», souligne Robert Letendre, professeur associé au Département de psychologie.

Avec sa collègue Danielle Monast, psychologue au CSSS Jeanne-Mance et chargée de cours à l’Université de Montréal, M. Letendre est l’un des principaux organisateurs du colloque Passages et impasses à l’adolescence qui se tiendra les 29, 30 et 31 octobre à l’UQAM (salle DR-200). Organisé en collaboration avec le Collège international de l’adolescence (CILA), basé en France, l’événement réunira une vingtaine de chercheurs universitaires et de praticiens – travailleurs sociaux, psychologues, animateurs – qui interviennent auprès d’adolescents et de jeunes adultes.

«Le colloque aura une approche multidisciplinaire, explique Robert Letendre, et mettra l’accent sur le processus de subjectivation : comment l’adolescent se détache de l’influence parentale pour devenir un sujet singulier qui peut parler en son nom.»

Repères identitaires embrouillés

Est-il plus difficile d’être un adolescent aujourd’hui qu’il y a 25 ans? «Le passage de l’adolescence à l’âge adulte est sûrement plus complexe aujourd’hui parce que les institutions traditionnelles – famille, mariage, école église – qui définissaient la place de chacun, se sont transformées et n’offrent plus les mêmes repères qu’autrefois», répond Danielle Monast. Tout en faisant le deuil de l’enfance, l’adolescent prend conscience qu’il ne peut pas tout faire et qu’il ne sera peut-être jamais la personne que ses parents auraient voulu qu’il soit, souligne-telle. «Il est difficile également de se projeter dans une trajectoire de vie quand l’histoire familiale, fragmentée et éclatée, n’est plus transmise ou difficile à construire.»

Pour Robert Letendre, les adolescents font très tôt l’apprentissage du lien social. «Il n’est pas rare, dit-il, de voir des cégépiens travailler 20 à 25 heures par semaine pour pouvoir s’offrir un appartement, de beaux vêtements, un ordinateur ou un téléphone cellulaire.» La montée des valeurs culturelles hédonistes, recherche du plaisir immédiat, affaiblissement des interdits, course à la consommation, contribuent à brouiller la quête de repères identitaires, croit-il.

Les adolescents font l’apprentissage du désir et de la rencontre avec l’Autre, avec un corps en transformation qui embarrasse et qui submerge, d’où parfois la confrontation avec des problèmes de grossesses non désirées et des troubles d’alimentation (obésité, anorexie, boulimie, etc.). Pas étonnant que l’angoisse et la peur soient souvent au rendez-vous, observent les deux chercheurs.

Créer des lieux de parole

Robert Letendre estime que l’on donne trop souvent des réponses univoques aux interrogations des adolescents et des jeunes adultes sur le sens de la vie, la mort, ou la sexualité, lesquelles font partie du processus de subjectivation. «Il faut considérer le passage de l’adolescence à partir d’une articulation dynamique entre le psychique et le social, en opposition à la médicalisation. Les adolescents qui prennent des antidépresseurs sont beaucoup plus nombreux qu’il y a 15 ans», affirme-t-il.

Le plus important, poursuit Mme Monast, est de trouver pour les jeunes des interlocuteurs valables capables de créer un lien de confiance. Et surtout, savoir écouter ce qu’ils ont à dire et leur offrir des lieux de parole.

Le colloque vise justement à donner la parole à des acteurs qui, en dehors des milieux institutionnels, développent des projets avec et pour les adolescents. «On trouve à Montréal des dizaines de projets méconnus qui aident les jeunes à améliorer leur situation personnelle, sociale et professionnelle», précise Mme Monast. Ainsi, le projet Les Zurbains, encadré par le Théâtre Le Clou, compagnie de théâtre pour jeunes, permet aux adolescents d’exprimer leur imaginaire, leur mal de vivre et leur révolte intérieure à travers l’écriture de contes. Autre exemple, celui de CyberCap, organisme sans but lucratif qui offre à des jeunes en difficulté, n’ayant pas terminé leurs études secondaires, de réaliser des productions multimédia : sites Web, vidéos numériques, DVD, Cédérom, etc.

Les enseignants et autres intervenants, ainsi que les adultes en général, ne doivent pas se contenter de transmettre des connaissances aux jeunes, souligne Robert Letendre.