Entre le moment où un patient subit une prise de sang et celui où il obtient les résultats des analyses, il peut s’écouler des jours, voire des semaines. Pour ceux chez qui l’on soupçonne la présence d’un cancer, du VIH ou de toute autre maladie grave, l’attente génère d’indicibles angoisses. Les laboratoires sur puces (lab on chips), sur lesquels planchent les spécialistes des nanotechnologies, pourraient accélérer les choses. Si le voeu des chercheurs se réalise, nous pourrons bientôt courir à la pharmacie du coin acheter, moyennant une dizaine de dollars, un dispositif de la taille d’une pièce de monnaie qui vérifiera la présence de dizaines d’agents pathogènes dans une seule goutte de sang, en l’espace de quelques minutes.
Ricardo Izquierdo, spécialiste en microélectronique et professeur au Département d’informatique, fait partie des scientifiques qui misent sur cette technologie. Au mois d’août, il a reçu une subvention de près de 300 000 $ de la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI) qui lui permettra de créer dans son laboratoire un environnement exempt de poussières (un seul grain peut compromettre le fonctionnement d’une biopuce). Il pourra aussi s’équiper de quelques appareils utiles à ses recherches, notamment des équipements de lithographie nanométrique pour graver sur les biopuces les canaux qui seront empruntés par un liquide, une goutte de sang par exemple.
Sur une puce de la taille d’un sous
«Il y a deux composantes principales dans un laboratoire sur puce, explique le chercheur. D’abord, il faut un dispositif qui permet au liquide de circuler. Il est composé de canaux et de pompes.» Sur une pièce de la taille d’un 25 sous, ces mécanismes sont invisibles à l’oeil nu. Le professeur Izquierdo travaille par exemple sur un polymère dont le volume change lorsqu’on le soumet à un courant électrique. La charge est appliquée à une infime partie de la puce. Lorsque le matériau se gonfle à cet endroit, il pousse le liquide un peu plus loin dans le canal.
La deuxième composante du laboratoire sur puce sont les capteurs euxmêmes. Leur rôle consiste à détecter en temps réel des concentrations infimes d’une protéine, d’un virus, d’une bactérie, d’un brin d’ADN ou d’une molécule chimique. «À la surface des puces, on place des composés qui, par leur nature, réagissent avec la molécule ciblée. Lorsqu’il y a réaction, un signal est émis. Une lumière fluorescente se dégage, le poids du capteur change, un courant électrique s’active, etc.» Les composantes microélectroniques intégrées à la puce captent ce signal et le quantifient, le rendant lisible pour l’humain. Sur quelques millimètres carrés, on peut insérer des dizaines, voire des centaines de capteurs de ce genre.
Dilemmes éthiques
Les défis sont nombreux pour les chercheurs comme Ricardo Izquierdo. Les capteurs doivent être sensibles, certes, mais ils doivent aussi être très spécifiques. Il faut à tout prix éviter qu’ils réagissent lorsqu’ils sont en présence d’une molécule semblable au composé ciblé, question d’éviter les mauvais diagnostics.
À moyenne échéance, les chercheurs seront aussi confrontés à des questions éthiques. «L’idée qu’un individu puisse apprendre qu’il est atteint d’une maladie mortelle alors qu’il est seul chez lui soulève bien des questions, souligne le professeur Izquierdo. Mais il y a des solutions. Pour certains tests, les laboratoires sur puces pourraient n’être utilisés que dans les bureaux d’une infirmière.»