Difficile de trouver plus enthousiaste et enjouée que Marie-Pier Bédard par les temps qui courent. Championne québécoise de cyclisme sur route et de cyclo-cross en 2006, l’étudiante au baccalauréat en enseignement secondaire, profil sciences humaines/univers social, a participé à sa première course de vélo au sein de la nouvelle équipe Specialized-Vinci-Menikini, lors du US Open disputé le 7 avril dernier à Richmond, en Virginie. Marie-Pier a terminé dans le peloton de tête, obtenant une 24e place tandis que son équipe se classait au 7e rang.
L’équipe n’existe que depuis décembre dernier. «Nous sommes en quelque sorte le club-école de l’équipe féminine italienne Nobili Menikini Cogeas, la deuxième puissance mondiale en cyclisme féminin», explique Marie-Pier, qui a pour coéquipières les Québécoises Karol-Ann Canuel, Émilie Roy et Shanie Bergeron. Ce mois-ci, Fabiana Luperini et Élodie Touffet, deux vedettes de l’équipe italienne, se joindront à elles pour deux courses en Arkansas, «une belle opportunité d’apprentissage», avoue Marie-Pier, emballée.
Plusieurs compétitions se succéderont ensuite au pays, notamment l’épreuve de la Coupe du Monde disputée sur le Mont-Royal le 2 juin; le Tour du Grand Montréal, du 4 au 7 juin; le Tour de l’Île-du-PrinceÉdouard, du 10 au 14 juin. Puis, les 9 et 10 juillet, Marie-Pier et ses coéquipières prendront part au Championnat canadien disputé en Beauce, puis au Tour de Toona, en Pennsylvanie.
«L’épreuve de Toona comporte les distances les plus longues du circuit féminin, soit deux étapes de 160 kilomètres, explique Marie-Pier. Habituellement, les étapes ont en moyenne entre 100 et 140 kilomètres. Demeurer dans un peloton qui roule à toute allure pendant les vingt derniers kilomètres supplémentaires n’est pas simulable en entraînement!»
Ça se passe en Amérique!
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le cyclisme féminin est plus populaire ici qu’en Europe. «Les courses dotées des meilleures bourses ont lieu aux États-Unis, explique Marie-Pier, qui a couru à quelques reprises sur le circuit européen en 2004-2005. En Europe, tout l’argent va au cyclisme masculin. Les Européennes qui participent à la course sur le Mont-Royal n’en reviennent pas qu’il y ait autant de gens pour les encourager. Elles ont l’impression d’être au Tour de France!»
En 2005, Marie-Pier a eu l’occasion de participer à l’édition féminine de la Grande Boucle, avec une équipe du Val d’Oise. «J’ai terminé 38e au classement général et l’expérience a été fantastique», se rappelle-t-elle. En revanche, elle n’a jamais réussi à terminer l’épreuve sur le Mont-Royal, à laquelle elle a participé à trois reprises. «Je ne suis pas une grimpeuse et je suis encore loin d’être l’une des meilleures», avoue-t-elle humblement. La plupart des coureuses s’accordent pour affirmer que l’épreuve du Mont- Royal est la plus difficile du circuit de la Coupe du Monde. Marie-Pier insiste cependant : pour elle, la victoire importe peu, du moins pas tout de suite. «Mon objectif cet été est de me classer parmi les 15 premières lors d’une course aux États-Unis», dit-elle.
Au mois d’août, Marie-Pier et ses nouvelles coéquipières iront en Italie rendre visite à leurs «marraines» et acquérir encore plus d’expérience. «Courir en Europe est totalement différent, explique-t-elle. C’est beaucoup plus technique car les routes sont tellement plus étroites qu’ici en Amérique. Je crois que c’est pour cette raison que les coureuses européennes sont plus agressives. Quand tu es loin en arrière et qu’on te dit à l’oreillette Monte en avant, il te faut jouer du coude!»
Préparer l’après-vélo
Marie-Pier a débuté le cyclisme de compétition à l’âge de 11 ans, parce que son frère et ses cousins le pratiquaient. «C’est une histoire de famille, un hobby qui s’est transformé en mode de vie», explique-t-elle. Elle participe à environ une soixantaine de courses par année, question de garder la forme. Pour avoir une bonne idée de sa passion, il faut l’imaginer en plein hiver, dans le sous-sol de ses parents, à Rosemère, assise sur son vélo, pédalant des kilomètres de routes imaginaires devant le téléviseur, avec le ventilateur qui fonctionne à plein régime. Elle dit consacrer entre 15 et 20 heures à l’entraînement chaque semaine, et cela tout en s’inscrivant à cinq cours par trimestre depuis le début de son baccalauréat. «J’adore le vélo, mais je ne pourrais pas sacrifier mes études, dit-elle. J’ai côtoyé trop de cyclistes qui ont tout misé sur le sport, qui ont craqué sous la pression et qui se sont retrouvés le bec à l’eau.»
Elle vient de terminer son stage de deuxième année dans une classe de secondaire I, à Laval, où elle a enseigné la géographie. Elle a adoré l’expérience. Il ne serait donc pas surprenant qu’elle devienne professeur… ou entraîneuse, car elle a désormais son brevet provincial. Mais d’ici là, il lui reste encore plusieurs milliers de kilomètres d’asphalte à se mettre dans le collimateur. En cyclisme, les femmes performent habituellement entre l’âge de 28 et 33 ans. «J’ai 22 ans et l’avenir devant moi», s’exclame-t-elle, radieuse.