«Tru-cu-lent! Je ne sais pas pourquoi, mais ces trois syllabes résument, mieux que n’importe quel compte rendu de revue savante, la situation rabelaisienne dans laquelle je me trouve en ce moment. Le seul fait de le prononcer me confirme, d’ailleurs, combien ce mot est pertinent, et que le fait que j’enfonce mon membre circoncis à l’intérieur de cette chère Simone est vraiment truculent.» Cette scène placée au début du deuxième roman de Robert Gagnon, La mère morte, illustre parfaitement le caractère paillard du livre.
Professeur au Département d’histoire, Robert Gagnon est un spécialiste de l’histoire des sciences, de la technologie et de l’éducation. En 1994, il publiait son premier roman, La thèse, qui lui a valu le prix Robert-Cliche. «J’aime écrire. Je suis un raconteur d’histoires. Un historien aussi raconte des histoires, mais il doit convaincre ses lecteurs de la vérité de ses conclusions. L’écriture romanesque est plus jouissive parce qu’elle permet d’inventer», précise-t-il.
Les romans de Robert Gagnon sont écrits dans une langue simple, accessible au grand public. «Quand j’ai publié, l’an dernier, L’histoire des égouts à Montréal, j’étais conscient que cet ouvrage scientifique s’adressait à un public restreint. Mais avec le roman, je peux toucher un public beaucoup plus large.»
Malgré quelques passages salaces, La mère morte n’est pas, à proprement parler, un roman érotique. Il s’agit plutôt d’une satire de la vie universitaire qui met à nu des relations de pouvoir et… quelques coups bas entre collègues.
Le personnage principal, François Cournoyer, est professeur au Département d’histoire des religions. C’est aussi un hédoniste. Peu sympathique, il vit dans sa bulle, jusqu’au jour où il se trouve confronté à des événements inexplicables. Sa mère, morte il y a plusieurs années, ressuscite et les atomes de l’alliance qu’elle portait au doigt se rematérialisent dans sa boîte à souvenirs. Convaincu de la réalité de phénomènes irréconciliables avec la raison, il rencontre les membres d’une secte, perd la foi en la science et songe à se suicider.
«Au départ, je voulais écrire un roman très sérieux racontant l’histoire d’un universitaire athée qui a la révélation de l’existence de Dieu. Puis, au fil de l’écriture, ça s’est transformé en quelque chose de drôle», explique l’historien.
Robert Gagnon a en tête un autre roman où la mort sera encore présente et où le personnage de François Cournoyer sera de retour. «Il vivra un grand deuil et le surmontera, prouvant que la vie est plus forte que tout.»
Comme l’a écrit le philosophe Ludwig Wittgenstein, que Robert Gagnon cite en exergue de son roman : «Si l’on entend par éternité, non pas une durée temporelle infinie, mais l’intemporalité, alors celui-là vit éternellement qui vit dans le présent.»