Les enfants dont la mère a consommé de la cocaïne pendant les mois de grossesse accusent de sérieux retards cognitifs, même à l’école primaire. C’est la conclusion d’une étude récemment publiée dans Child Neuropsychology par Peter Snyder, professeur régulier à l’université du Connecticut et professeur associé au Département de psychologie de l’UQAM. En collaboration avec une équipe de médecins, de travailleurs sociaux et de spécialistes en éducation, le jeune neuropsychologue suit une cohorte d’une centaine d’enfants d’un quartier défavorisé de New Haven, au Connecticut, depuis une dizaine d’années. Tous ont été exposés à la cocaïne in utero. Une cohorte équivalente d’enfants provenant du même milieu, mais dont les mères n’ont pas consommé de cocaïne, sert de groupe contrôle.
«Une fois dans le sang, la cocaïne passe facilement le placenta, puis franchit la barrière sang-cerveau», souligne le neuropsychologue. Dans le cerveau du foetus, elle fait compétition à la dopamine, un neurotransmetteur qui joue un rôle important dans le développement des fonctions cognitives chez l’enfant à naître. Plus spécifiquement, la cocaïne bloque une partie des récepteurs cellulaires auxquels la dopamine est censée se fixer pour faire son travail et permettre l’évolution normale du cerveau en croissance.
Mémoire visuo-spatiale
«Les enfants que nous suivons sont aujourd’hui à l’école, dit le chercheur. Tous sont inscrits à l’école régulière. Toutefois, nos recherches montrent qu’ils ont plus de problèmes d’apprentissage que leurs semblables du groupe contrôle.» L’équipe de Peter Snyder a testé plus spécifiquement la mémoire visuo-spatiale – la capacité de se souvenir comment les objets sont organisés dans l’espace – chez de jeunes élèves de 8 à 10 ans. En bref, les enfants apprennent à s’orienter dans un labyrinthe, dans le contexte d’un jeu informatisé. Quelques minutes après avoir trouvé la sortie, ils devaient parcourir à nouveau le labyrinthe, en faisant aussi peu d’erreurs que possible. «Les enfants exposés à la cocaïne s’en sont moins bien tirés que ceux du groupe contrôle.»
L’équipe a fait des tests similaires chez des enfants qui ont été exposés à l’alcool, au tabac et à la marijuana in utero. Elle n’a constaté aucune différence significative avec le groupe contrôle. «C’est bien la cocaïne qui est responsable de troubles et non la seule délinquance de la mère.»
Pour le professeur Snyder, il importe de sensibiliser les professeurs qui travaillent dans les milieux défavorisés à ce genre de problème. «Il faut répéter les choses plus souvent lorsqu’on travaille avec les enfants de cocaïnomanes.» Les jeunes resterontils aux prises toute leur vie avec ces problèmes d’apprentissage? «Nous allons suivre la cohorte pendant de nombreuses années encore, à raison de deux rencontres par année.»
Du Connecticut à l’UQAM
Peter Snyder, qui travaille en étroite collaboration avec le professeur Henri Cohen dans le cadre de plusieurs projets, compte bien venir présenter ses résultats au Québec. Chaque année depuis six ans, il participe à l’organisation du Theoretical & Experimental Neuropsychology Meeting, une conférence d’envergure internationale qui se tient au printemps, à l’UQAM. «Je me rends à l’UQAM non seulement dans le cadre de la conférence, mais aussi pour donner des cours, co-superviser des étudiants aux cycles supérieurs ou assister à des soutenances de thèses. Le Département de psychologie est très réputé et pour moi, ça vaut la peine de faire le voyage pour échanger des idées.»