Le trimestre d’hiver semble propice aux retrouvailles. L’an dernier, Élise Turcotte revenait à l’UQAM à titre d’écrivaine en résidence, alors qu’elle y avait obtenu son baccalauréat et sa maîtrise dans les années 80. Le scénario se répète cet hiver, cette fois pour la poète et écrivaine Rachel Leclerc, qui se dit impatiente de rencontrer les étudiants… et de renouer avec des souvenirs inspirants.
«Je pourrais sans doute écrire un roman avec ce qui me revient en mémoire ici», affirme Mme Leclerc, qui était arrivée à l’UQAM en janvier 1979, pour y terminer son baccalauréat (entrepris à Rimouski) et compléter une maîtrise en études littéraires. «Un peu naïvement, je croyais que pour devenir écrivaine, il fallait venir à Montréal», se remémore-t-elle en souriant. Ce parcours lui a plutôt réussi, d’abord en tant que poète, puis romancière. Fugues, paru en 1984 aux éditions du Noroît, a été le premier d’une demidouzaine de recueils de poésie, dont Les vies frontalières, qui a remporté le Prix Émile-Nelligan en 1991, et Rabatteurs d’étoiles, qui a mérité le Prix Alain-Grandbois en 1995.
«Pour moi, la poésie est la quintessence de la littérature, mais le récit m’a toujours fasciné, car il nécessite plus de souffle, explique-t-elle. C’est comme une obsession inconsciente qui nous suit durant des années et un jour, on se met à écrire.» Elle s’était fixé un but : publier un roman avant la fin de la trentaine. Elle y est parvenue en 1995, à l’âge de 40 ans. Ce premier roman, Noces de sable (Boréal), a remporté le Prix Henri-Quéffelec en France. «Les prix sont comme une bonne claque dans le dos, comme si on te disait “Continue! Tu fais du bon travail”.»
«Aujourd’hui je connais ma valeur comme écrivaine», avoue Rachel Leclerc, qui a écrit deux autres romans depuis, soit Ruelle océan (2001) et Visions volées (2004). Elle a déjà participé à des ateliers d’écriture, de façon épisodique, mais il s’agit de sa première expérience «officielle» d’écrivaine en résidence. Contrairement à plusieurs de ses condisciples de l’époque, devenus professeurs au cégep ou à l’université, elle a pour sa part exercé le métier de rédactrice pour le sous-titrage à la télévision, de 1985 à 1988, puis de 1997 à aujourd’hui. «C’est un métier qui ne me prend pas la tête, qui me permet d’écrire une fois à la maison», explique-t-elle.
Lecture et écriture
Ce plaisir de l’écriture, elle souhaite le partager avec les étudiants. «Ils se posent souvent les mêmes questions que moi à leur âge», affirme-t-elle. Son principal conseil? «On ne peut faire l’économie de la lecture si on veut devenir écrivain, dit-elle. Il faut se nourrir constamment, ne pas se contenter de ce que propose l’université.»
Elle souligne par ailleurs que le monde de la littérature s’est passablement transformé depuis ses premiers pas à elle. «À l’époque, l’autofiction et l’engouement pour le roman historique n’existaient guère. Or, j’ai pu remarquer chez des étudiants rencontrés l’an dernier une propension à vouloir écrire un best-seller à tout prix, déplore-t-elle. La reconnaissance extérieure ne doit pas être le moteur principal de l’écriture.» Plus facile à dire qu’à faire, elle en convient. Mais à 51 ans, après avoir traversé les affres de la chimiothérapie pour combattre un cancer diagnostiqué, elle sait que son écriture est mue aujourd’hui par un désir intérieur qui n’a rien à voir avec les prix ou les chiffres de vente. «J’ai réalisé ça lors de ma convalescence, alors que j’écrivais un nouveau recueil de poésie, qui devrait paraître cette année.»