«L’agressivité chez les personnes qui présentent une déficience intellectuelle est la plus grande barrière à leur intégration sociale», affirme Diane Morin, professeure au Département de psychologie. Mme Morin s’intéresse aux comportements problématiques engendrés par la déficience intellectuelle, l’agressivité notamment, et à leur prévention. «Il s’agit de développer des méthodes d’intervention qui permettent aux personnes vivant avec ce déficit de mieux s’intégrer dans leur communauté», dit-elle.
La psychologue a participé récemment à une étude réalisée auprès d’une population de plus de 3 000 adultes (hommes et femmes) qui bénéficiaient des services de trois centres spécialisés en déficience intellectuelle, situés dans trois régions du Québec. Selon l’étude, près de 54 % des participants avaient manifesté, au cours d’une période de 12 mois, l’un ou l’autre des comportements suivants : agressivité verbale, agressivité à l’égard de biens matériels et envers soi, agressivité physique et agressivité sexuelle. Toutefois, seulement 4,9 % d’entre eux avaient exprimé une forme d’agressivité physique pouvant provoquer une blessure.
«La recherche montre que les personnes présentant une déficience intellectuelle ne sont pas toutes agressives, que l’agressivité verbale est le comportement le plus répandu et que plus la déficience est légère, moins le taux d’agressivité est élevé», indique Diane Morin. On note par ailleurs que l’agressivité envers les biens matériels et celle à caractère sexuel sont plus courantes chez les hommes, alors que chez les femmes, l’agressivité est davantage tournée vers soi.
«La déficience intellectuelle n’est pas une maladie mentale»
Au Québec, 75 000 personnes environ vivent avec une déficience intellectuelle, légère dans la majorité des cas. «Il est important, souligne Mme Morin, de distinguer déficience intellectuelle et maladie mentale, car les gens ont généralement tendance à confondre les deux. La déficience intellectuelle n’est pas une maladie mais un état permanent qui peut s’accompagner d’une déficience physique et, parfois, de problèmes de santé mentale.»
La déficience intellectuelle, qui apparaît avant l’âge de 18 ans, se caractérise par un rendement intellectuel – mesuré par les tests standardisés d’intelligence (QI) – nettement sous la moyenne, et par des «comportements adaptatifs» plus ou moins limités, qu’il s’agisse de compétences domestiques, d’autonomie personnelle ou d’habileté à communiquer dans la vie de tous les jours. Le niveau de difficulté varie selon le degré de gravité de la déficience, laquelle peut être légère, moyenne, sévère ou profonde. À l’école, par exemple, un élève ayant une déficience intellectuelle légère aura besoin de recourir constamment à un mode de raisonnement concret et accusera un retard important dans les apprentissages qui requièrent des capacités d’abstraction et de symbolisation.
Le comportement agressif est lié souvent aux difficultés à communiquer de manière adéquate, précise Mme Morin. «Les personnes qui vivent avec une déficience intellectuelle éprouvent, comme tout le monde, des émotions, mais elles ne sont pas toujours capables de les exprimer ou de les contrôler. D’où l’apparition de sentiments de frustration et de colère qui entraînent de l’agressivité.» Enfin, il faut tenir compte du milieu de vie, ajoute la chercheuse. «Notre étude était centrée sur des individus qui vivaient dans des appartements supervisés, dans leurs familles naturelles ou dans des résidences de type familial, soit des environnements moins fermés que les instituts psychiatriques. Un milieu de vie dit fermé peut alimenter l’agressivité, notamment parce que les sorties y sont plus limitées et que la place accordée à l’autonomie y est moins grande.»
Nouveau DESS en déficience intellectuelle
Le Québec compte une vingtaine de centres de réadaptation en déficience intellectuelle qui mettent l’accent sur la prévention et des interventions de plus en plus spécialisées. Ainsi, la Fédération des centres de réadaptation du Québec s’est dotée d’un plan national de formation en déficience intellectuelle. Les premiers cours porteront sur la nature des comportements problématiques et leurs causes.
Des interventions à la fois spécialisées et personnalisées sont essentielles, poursuit la professeure, car on ne peut pas adopter la même approche avec tout le monde. «D’où l’importance, dit-elle, de développer la formation universitaire pour les étudiants intéressés par ce domaine de recherche. L’UQAM a créé un nouveau diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en déficience intellectuelle, qui débute cet automne, pour répondre à ce besoin.»
Diane Morin est convaincue qu’il est possible, grâce à un soutien approprié et personnalisé sur une longue période, de faire diminuer le taux d’agressivité et d’améliorer le rendement intellectuel. «Plus on intervient tôt et rapidement, plus les chances d’intégration augmentent.»