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Cyberjournalisme : s’exprimer est le maître mot

Par Claude Gauvreau

16 avril 2007 à 0 h 04

Mis à jour le 17 avril 2015 à 16 h 04

Cent Papiers. Ce nom vous dit-il quelque chose? Il s’agit d’un site Internet créé en novembre 2006 qui cherche à s’imposer comme le média citoyen au Québec. Son objectif n’est pas de supplanter les médias traditionnels mais d’être un complément permettant à n’importe quel citoyen, où qu’il soit, de transmettre de l’information sous différentes formes. Toute personne peut donc s’inscrire à Cent Papiers et soumettre des textes, des photos ou des fichiers vidéos et audios sur des sujets d’actualité locale, nationale et internationale.

Jouer au journaliste

«De plus en plus de citoyens jouent à être journaliste et certains médias, nouveaux et traditionnels, font parfois appel à leurs services pour qu’ils les alimentent, observe Michel Pichette, professeur associé à l’École des médias et membre du Groupe de recherche sur les usages et cultures médiatiques (GRM). Ces journalistes amateurs écrivent sur les sujets qui les intéressent et expriment leurs opinions sur les blogues de journalistes professionnels. On appelle ça le cyberjournalisme citoyen.»

Selon M. Pichette, Internet peut être un outil de participation citoyenne en favorisant l’échange d’informations et d’opinions. Le développement de réseaux à haut débit, la multiplication des logiciels et la diminution du coût des équipements et de l’accès aux serveurs ont permis notamment de créer des sites Web dont le fonctionnement est fondé sur la participation d’un grand nombre d’internautes. Ceux-ci ne sont plus de simples utilisateurs de services, mais des sources d’information qui contribuent à une explosion de la prise de parole dans le cyberespace.

L’opinion prime sur l’information

Tous les grands quotidiens, magazines et réseaux de télévision à travers le monde possèdent désormais une vitrine sur le Web. «Ce qui est nouveau, dit M. Pichette, c’est l’arrivée, depuis cinq ans environ, de journaux citoyens en ligne comme Cent Papiers au Québec, Agoravox en France ou OhMynews en Corée.»

Agoravox, apparue en 2005, est une plate-forme Internet multimédia où tout le monde peut communiquer des informations, que l’on soit fonctionnaire, chef d’entreprise, syndicaliste, chômeur, étudiant ou même journaliste professionnel. Certains déplorent son amateurisme et le manque de hiérarchie dans l’information transmise par les internautes. D’autres applaudissent la richesse de son contenu. Chose certaine, Agoravox fait figure de référence en diffusant plus de 600 articles par mois qui sont lus par un million de personnes.

Même si les médias citoyens ont tendance pour le moment à couvrir les mêmes sujets que les médias traditionnels et à se concentrer sur des textes d’opinion, Michel Pichette croit qu’ils contribuent à la diversité de l’information en favorisant l’expression d’une pluralité de voix. «Une opinion éclairée naît de la libre circulation des faits, des idées, des interprétations et des analyses. On sait que plusieurs régions au Québec sont pauvres en moyens d’information et que les médias nationaux reflètent mal leur réalité. Un journal en ligne comme Cent Papiers pourrait très bien, par exemple, publier un article documenté d’un ingénieur sur la Côte Nord concernant un projet routier dans sa région.»

Une information de qualité?

Est-ce à dire que n’importe qui peut s’improviser journaliste? Les informations diffusées sur les médias en ligne sont-elles fiables et pertinentes? Michel Pichette reconnaît les risques de manipulation et de désinformation. Surtout que dans plusieurs cas, les gens écrivent sous le couvert de l’anonymat. Des médias comme Cent Papiers et Agoravox tentent toutefois de créer des mécanismes pour assurer la crédibilité des informations, souligne le chercheur. Le comité éditorial de Cent Papiers ne publiera pas des articles mal écrits, confus ou nuisant à la réputation d’autrui.

Du côté d’Agoravox, les membres d’un comité de rédaction votent sur les articles en fonction de leur actualité, de leur pertinence et de leur originalité. Ceux qui contiennent des informations inexactes, non vérifiables ou ayant un caractère diffamatoire, commercial, pornographique, raciste et sexiste sont rejetés. Les deux médias comptent également sur les internautes pour enrichir, commenter et critiquer les textes, tout en donnant accès aux profils de leurs auteurs.

M. Pichette dresse un parallèle entre ces nouveaux médias et les médias communautaires québécois qui, à l’origine, étaient animés par des gens n’ayant pas tous une formation en journalisme. «Ils ont permis à plusieurs d’entre eux d’acquérir de l’expérience et ont même servi de tremplin à une carrière de journaliste professionnel.»

Aujourd’hui, ajoute-t-il, les écoles de journalisme sont de plus en plus nombreuses à enseigner les techniques du cyberjournalisme : écriture hypertextuelle, conception de pages Web, maniement d’une caméra numérique, etc. «Sans compter les cours d’éducation à la citoyenneté et d’éducation aux médias dans les écoles secondaires pour que les jeunes saisissent l’importance de s’exprimer sur la place publique… et de le faire correctement.»