Les accommodements raisonnables pour des motifs religieux étaient une fois de plus au centre des préoccupations du débat public sur les enjeux liés aux travaux de la Commission Bouchard-Taylor, tenu la semaine dernière à l’UQAM. Près d’une centaine de personnes, de tous âges, ont participé à cet événement qui était organisé par le Centre de recherche sur l’immigration, l’ethnicité et la citoyenneté (CRIEC).
À un intervenant qui affirmait que la laïcité était attaquée par les communautarismes religieux au Québec, la directrice du CRIEC, Micheline Labelle, a répliqué que le phénomène des revendications religieuses n’avait pas l’ampleur que certains voulaient bien lui donner. Elle a rappelé que la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse ne reçoit annuellement, en moyenne, qu’une quinzaine de demandes d’accommodements fondées sur un motif religieux, dont plusieurs proviennent de personnes de confession protestante. «De plus, ces demandes ne sont pas portées par l’ensemble des membres d’une communauté, mais par une minorité seulement», a-t-elle souligné.
Depuis la séparation de l’Église et de l’État, la religion ne dicte plus les normes qui régissent les comportements collectifs, a rappelé Louis Rousseau, professeur au Département des sciences des religions. «Elle demeure toutefois une référence identitaire incontournable, a-t-il dit, y compris pour de nombreux Québécois francophones qui, sans être pratiquants, n’ont pas renié leurs origines catholiques.»
Pour le sociologue Rachad Antonius, le débat autour des accommodements raisonnables est mal enclenché et réducteur. «On a l’impression que le seul choix s’offrant aux Québécois est d’être, globalement, pour ou contre les accommodements raisonnables.» Il déplore également le discours de victimisation, tenu par des Québécois francophones et des membres de communautés ethnoculturelles, qui sert parfois à dénigrer d’autres groupes ou communautés. Le professeur a enfin souligné le rôle néfaste joué par certains médias qui alimentent le sentiment d’inquiétude au sein de la population.
«La dichotomie entre le nous francophone majoritaire et le eux refait surface au Québec et il faut s’y opposer», a lancé Micheline Labelle, tout en insistant sur l’importance d’une politique publique québécoise de gestion de la diversité qui intègrerait une politique de la citoyenneté et des mesures de lutte contre le racisme, notamment pour défendre les Autochtones. Une telle politique devrait également, selon elle, tenir compte de la dualité des modèles d’intégration au pays – multiculturalisme canadien et interculturalisme québécois – ainsi que de la diversité des opinions au sein des communautés culturelles, trop souvent présentées comme des ensembles homogènes. «Certaines d’entre elles sont établies au Québec depuis plus de 100 ans et font partie de la société d’accueil», a-t-elle noté.
Un homme d’origine algérienne est venu raconter avec émotion qu’il avait quitté son pays pour fuir la violence et qu’il était heureux de pouvoir vivre dans une société où règnent la tolérance et la paix sociale. «Il faut expliquer aux nouveaux arrivants comment, historiquement, le Québec s’est développé en une société démocratique et pluraliste», a-t-il conclu.