Déménagement du Casino, construction de pavillons et de centres hospitaliers universitaires, création d’un quartier des spectacles… les grands projets d’aménagement publics et privés à Montréal se multiplient. Mais ces projets, qui visent à rendre la Métropole plus compétitive et plus attrayante pour les investisseurs, ne font pas tous l’unanimité et soulèvent des questions concernant leur impact sur les conditions de vie des Montréalais. «On peut s’interroger également sur le rôle accordé aux citoyens dans leur planification et leur mise en oeuvre», souligne Anne Latendresse, professeure au Département de géographie.
Avec le Service aux collectivités de l’UQAM, Mme Latendresse compte parmi les principaux organisateurs du quatrième Sommet citoyen de Montréal qui, les 1er, 2 et 3 juin prochain, rassemblera plus de 500 personnes de différents horizons : élus, professionnels des services municipaux, membres d’organismes communautaires et simples citoyens. Cette initiative s’inscrit dans la foulée des trois autres sommets, tenus entre 2001 et 2004, qui ont mené à l’adoption de la Charte montréalaise des droits et responsabilités – une première en Amérique du Nord – à celle d’un agenda citoyen, et à l’expérimentation d’un budget participatif dans l’arrondissement du Plateau Mont-Royal.
«L’objectif du sommet, qui se déroulera à l’UQAM, est de promouvoir des expériences innovatrices en matière de développement, d’aménagement, d’environnement et de démocratie participative, dont Montréal peut s’inspirer», précise Mme Latendresse.
Le droit à la ville
Le droit à la ville, thème central du sommet, signifie que les citoyens doivent s’approprier la ville et ses quartiers. La professeure tient d’ailleurs à rappeler les initiatives prises par le milieu communautaire, au cours des années 80, pour contrer certains effets néfastes de la mondialisation : dévitalisation d’anciens quartiers industriels, délocalisation des activités économiques, fermetures d’usines et appauvrissement de certaines couches de la population. Aujourd’hui, d’autres problèmes se sont ajoutés comme celui du manque de ressources qui freine le développement de la métropole, poursuit Mme Latendresse. «C’est pourquoi Montréal, comme d’autres municipalités québécoises et canadiennes, réclame des autorités gouvernementales un pacte fiscal lui permettant de développer de nouvelles sources de revenus.»
Les Montréalais ne sont pas contre le développement urbain et économique, mais ils veulent avoir leur mot à dire dans le choix des stratégies et sur la meilleure façon de faire converger développement économique et qualité de l’environnement, affirme Mme Latendresse. Depuis quelques années, Montréal s’est dotée d’outils pour favoriser la participation citoyenne et la consultation publique (Office de consultation publique, Conseil des Montréalaises, Conseil interculturel, Conseil des jeunes, Conseil du patrimoine, etc.). Elle a aussi décentralisé le pouvoir vers les arrondissements qui disposent désormais de budgets en matière de services, d’infrastructures et de logements sociaux.
Cette décentralisation, toutefois, a renforcé le pouvoir des élus locaux et pas celui des citoyens, soutient Mme Latendresse. «Les élus recueillent les avis et prennent les décisions, mais aucun mécanisme d’imputabilité n’est prévu pour qu’ils les justifient. Les formes de participation classique sont de plus en plus boudées par les citoyens. Aux dernières élections municipales, le taux de participation a atteint 35 %, le plus faible dans l’histoire de Montréal. Et dans certains arrondissements regroupant 100 000 personnes, 30 à 60 citoyens assistent aux réunions de leur conseil.»
Pour une démocratie participative
Selon la chercheuse, il faut se tourner du côté de la démocratie participative et les expériences du Brésil en cette matière peuvent servir d’exemple. «Le budget participatif de Porto Alegre permet aux habitants de la ville de se prononcer sur les priorités de leur municipalité en matière d’investissements, orientant ainsi les choix concernant la planification urbaine.» Dans certains quartiers, les gens discutent de la création d’infrastructures ou encore d’espaces verts. On a aussi organisé des forums thématiques où les citoyens se penchent sur les questions d’aménagement, de santé et d’environnement. À la fin du processus, qui s’étale sur un an, des représentants de l’ensemble des quartiers débattent avec des experts d’un plan d’investissement qui se traduit par l’adoption d’un budget municipal. «C’est la jonction de la démocratie participative et de la démocratie représentative», dit Mme Latendresse.
À Ottawa et à Guelph, les conseils municipaux ont amorcé des démarches pour mettre en place un budget participatif, tandis qu’à Toronto le même processus est en cours dans le domaine de l’habitation. À Montréal, le Plateau Mont-Royal est devenu le premier arrondissement à avoir adopté cette approche dans le cadre de son programme triennal d’immobilisations auquel est consacré 10 % du budget global.
Les citoyens connaissent les problèmes et ont des idées de solutions, souvent simples et peu coûteuses, affirme Anne Latendresse. «Quand le savoir populaire rencontre le savoir des experts, on parvient à trouver des solutions innovantes. Le sommet sera un appel à la créativité, une invitation à prendre les clés de la ville!» Pour consulter le programme complet du sommet : www.4sc.ecologieurbaine.net.
Hommage aux bâtisseurs de Montréal
- À l’ouverture du quatrième Sommet citoyen de Montréal, des acteurs et des témoins des luttes urbaines menées au cours des 40 dernières années raconteront les moments forts des mobilisations collectives pour bâtir Montréal et ses quartiers;
- Le sommet réunira des intervenants de plusieurs villes du Québec, du Canada, d’Amérique latine et d’Europe, ainsi que des membres de divers organismes associés à l’organisation de l’événement : Coalition montréalaise des tables de quartier (CMTQ), Conseil central de Montréal de la CSN, Conseil régional de l’environnement de Montréal, Corporations de développement économique communautaire de Montréal (Inter-CDÉC), Héritage Montréal, Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI), etc.;
- La chercheuse de renommée internationale Saskia Sassen, professeure à l’Université de Chicago et à la London School of Economics, donnera une conférence sur la transformation des métropoles dans le contexte de la globalisation.