Le traumatisme social et politique provoqué par les attentats du 11 septembre 2001 et la place que ces événements occupent dans l’imaginaire du XXIe siècle seront au centre des débats du colloque Fictions et images du 11 septembre, qui se tiendra les 14 et 15 décembre, à la salle D-R200. Cet événement s’inscrit dans le cadre d’un programme de recherche intitulé «Le projet Lower Manhattan» que dirigent le professeur Bertrand Gervais et ses assistants Patrick Tillard et Marianne Cloutier, étudiants au doctorat en études littéraires et en histoire de l’art, et Annie Dulong, chercheuse post-doctorale.
Une vingtaine de conférenciers du Québec, des États-Unis et d’Europe analyseront la façon dont ces événements ont été mis en récit dans la littérature, le cinéma et les arts visuels, puis transformés en mythe. Ils s’intéresseront à l’«esthétisation» du 11 septembre et établiront des comparaisons avec d’autres grandes tragédies qui ont marqué l’histoire (Pearl Harbor, Hiroshima, l’Holocauste, etc.)
De la fiction…
Les fictions littéraires, cinématographiques et autres productions artistiques consacrées au 11 septembre se sont constituées peu à peu et forment aujourd’hui une centaine d’oeuvres d’auteurs américains, français, britanniques et québécois, souligne Marianne Cloutier, coordonnatrice du projet Lower Manhattan. Parmi ces oeuvres figurent des films spectaculaires (United 93 de Paul Greengrass, World Trade Center d’Oliver Stone), quelques drames plus intimistes (25th Hour de Spike Lee) et un nombre grandissant de romans.
«La réalité et la fiction se sont confondues la journée même des attentats, rappelle Annie Dulong. Les images médiatiques répétitives de l’effondrement des tours ou des avions les percutant ont d’ailleurs été perçues comme celles d’un film-catastrophe hollywoodien. Ces images ont constitué par la suite une sorte de bruit de fond qui se retrouve dans plusieurs oeuvres de fiction.»
On constate une grande diversité d’expressions poursuit Patrick Tillard. Certains artistes américains ont cherché à montrer les tentatives de reprise d’une vie normale après les attentats, alors que d’autres, européens surtout, se sont interrogés sur les motivations des terroristes. «Il s’en dégage des images fortes, récurrentes, parfois impudiques, qui traitent de notre rapport intime à la mort, comme celles de personnes qui se jettent du haut des tours ou celles de téléphones cellulaires qui sonnent sans arrêt dans le vide. Un artiste a fabriqué avec de la pâte à modeler des personnages aux visages horrifiés et aux corps démembrés qui représentaient les passagers des avions.»
Plusieurs oeuvres questionnent notre rapport à la violence, poursuit Annie Dulong. «Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, beaucoup de gens ne voulaient pas voir les images horribles des morts et des rescapés des camps de concentration. Aujourd’hui, au contraire, nous voulons voir les images, même les plus violentes, avec lesquelles nous entretenons un rapport ambigu fait de fascination et de répulsion.»
… au mythe
Selon les trois étudiants, le processus de mythification des événements est déjà à l’oeuvre. Les États-Unis, qui pour la première fois étaient attaqués sur leur territoire, ont perdu leur innocence, dit Annie. «Le discours public n’a cessé de marteler que le 11 septembre marquait la fin d’un temps, que nos vies allaient changer. Il y a désormais un avant et un après, comme si l’apocalypse, annoncée avec l’arrivée du nouveau millénaire, s’était accomplie cette journée-là.»
Pour Patrick Tillard, le 11 septembre agit comme une rumeur lancinante. «C’est un nuage omniprésent, un condensé d’éléments constitutifs des mythes. On y voit une polarisation entre le bien et le mal, entre la barbarie des uns et l’humanité des autres, entre les valeurs de l’Occident et de l’Orient. Les pompiers et les gens qui ont péri dans les tours sont devenus des martyrs ou des héros, figures qui sont présentes dans la plupart des mythes, souligne-t-il.
Le colloque «Fictions et images du 11 septembre» est organisé par trois groupes de recherche du Département d’études littéraires : le laboratoire de recherches sur les oeuvres hypermédiatiques (NT2), l’équipe de recherche sur l’imaginaire contemporain (ERIC LINT) et le Centre de recherche sur le texte et l’Imaginaire (FIGURA).