Voir plus
Voir moins

À l’écoute des femmes et des personnes queers et trans

Un nouveau réseau s’intéresse aux inégalités de genre dans la musique québécoise.

Par Pierre-Etienne Caza

31 août 2021 à 13 h 08

Mis à jour le 1 septembre 2021 à 14 h 09

La trompettiste Émilie Fortin a participé aux premières rencontres du réseau DIG!.
Photo: La Conserve Média

En 2022, on célébrera les cinq ans de la plus grande mobilisation féministe de l’histoire de la musique québécoise. «À l’été 2017, suivant une vague de dénonciation #MeToo et le partage sur les réseaux sociaux de programmations de festivals où la représentation féminine était souvent inférieure à 10 %, des centaines de créatrices ont publié une lettre ouverte dans Le Devoir qui a fait beaucoup de bruit», rappelle la professeure associée du Département de musique Vanessa Blais-Tremblay. 

Ces artistes réclamaient une meilleure représentativité dans les festivals et sur scène. «Afin de relancer les échanges entamés dans la foulée de ces événements, nous avons créé DIG!, un réseau interdisciplinaire et intersectoriel de chercheuses et chercheurs, d’artistes, de membres du public et de professionnelles et professionnels de la musique qui s’intéressent à l’histoire, aux mécanismes et aux manifestations des différences et inégalités de genre dans la musique au Québec», nous apprend la professeure.

Dans un premier temps, Vanessa Blais-Tremblay a invité ses collègues chercheuses et chercheurs de toutes les disciplines, à l’UQAM et ailleurs, à partager leurs résultats de recherche sur cette thématique. «L’appel à propositions a généré plus de 50 signalements d’intérêt, non seulement en musique, mais aussi en gestion, en sociologie, en anthropologie et en sciences du langage», souligne-t-elle.

En plus de ceux et celles qui s’intéressaient déjà au rôle des femmes, des personnes queers et des personnes trans dans l’industrie musicale québécoise, d’autres lui ont signifié leur intention d’élargir leurs recherches pour se pencher davantage sur ce domaine en émergence, ou d’y inclure la scène québécoise si ce n’était pas le cas. «Jada Watson, professeure auxiliaire à l’Université d’Ottawa, travaillait déjà sur la représentativité féminine dans la radio au Canada anglais. Elle a ajouté à ses recherches les radios du Québec», illustre Vanessa Blais-Tremblay. 

Depuis les premières rencontres de ses membres, au printemps dernier, DIG! publie sur les réseaux sociaux – Instagram et Facebook – des «pépites de recherche». «Il s’agit de donner un aperçu, de manière succincte, des résultats de recherches, réflexions et idées précieuses-porteuses partagés par les intervenantes et intervenants lors de nos événements précédents, explique la professeure. Par exemple, mon collègue Danick Trottier nous a appris, dans la foulée de ses recherches, que les femmes abandonnent le métier de compositrice plus rapidement que les hommes. Et Jada Watson a observé que seulement 1 % de chansons de femmes atteignent le top 10 de la station de radio CKOI depuis 2010.»

Lien avec le milieu communautaire

En plus des chercheurs et des artistes, Vanessa Blais-Tremblay a voulu élargir le réseau et y inclure des représentantes des organismes communautaires qui luttent, depuis 2017, pour réduire les inégalités de genre dans l’industrie de la musique, tels que Lotus Collective, MTL Women in Music, Femmes en musique, shesaid.so MTL et le comité Femmes et diversité de la Guilde des musiciens et des musiciennes du Québec. «Je voulais les entendre à propos des changements observés, ou non, depuis cinq ans, et leur demander si nous pouvions leur venir en aide en réalisant des projets de recherche de concert avec elles. Ce fut le cas. Plusieurs sujets de recherche potentiels ont émergé de nos échanges», se réjouit-elle en soulignant que le réseau DIG! bénéficie du soutien financier du CRSH, du RéQEF et de l’UQAM via le Service aux collectivités.

La batteuse jazz Valérie Lacombe a également participé aux premières rencontres du réseau DIG!.
Photo: Toddler

Une cartographie des ressources est déjà amorcée. «On y retrouvera à la fois des outils de formation continue et favorisant l’entrepreneuriat culturel, de l’accompagnement professionnel dans les cas de violences et de discrimination, de l’information sur les divers organismes, regroupements et associations professionnelles selon le métier et le profil, ainsi que des pistes pour obtenir du soutien sous la forme de subvention et d’aide financière», explique la professeure.

Un autre projet vise le développement d’un bottin des musiciennes actives pour encourager la parité et une meilleure représentativité des femmes, des personnes queers et trans sur les scènes du Québec. «Il ne faut pas que le manque d’information ou de contacts soit une excuse pour ne pas avoir pu engager, par exemple, une bassiste pour une gig à Rimouski», illustre-t-elle.

Violences et archives

L’automne prochain, les membres de DIG! se pencheront sur les différentes formes de violences dans l’industrie musicale. «Nous présenterons notamment une conférence sur la violence conjugale au sein des couples de musiciens, de même qu’une conférence sur la violence psychologique dans les chansons, laquelle a un impact sur la socialisation des adolescentes», souligne Vanessa Blais-Tremblay. 

Un volet sur les archives est également au programme, car les recherches sur les personnes marginalisées requièrent de sortir des sentiers battus. «Nous ne pouvons pas nous limiter aux archives des journaux mainstream qui ont été numérisés, il faut creuser dans les publications moins connues, et faire preuve de créativité pour mettre au jour des parcours et des histoires fascinantes», conclut-elle.