«Prédateurs redoutables, les brochets jouent un rôle majeur dans la chaîne alimentaire. S’ils sont en mauvaise santé, c’est tout l’écosystème du fleuve qui est affecté!» Étudiante à la maîtrise en biologie, Julie Reinling mène une recherche sur le phénomène de la contamination du grand brochet par les retardateurs de flamme. «Ces composés chimiques, utilisés pour rendre moins inflammables certains produits d’utilisation courante, sont présents dans les eaux du Saint-Laurent, note l’étudiante. Il s’agit d’un cocktail toxique qui affecte une multitude d’organismes aquatiques, dont le brochet.»
Chaque jour, des millions de litres d’eaux de pluie et d’eaux usées aboutissent à la station d’épuration de l’île de Montréal pour y être traités. Mais ce traitement est incomplet et de nombreuses substances polluantes subsistent. Malgré le retrait des particules en suspension, des bactéries pathogènes et d’une grande partie de la matière organique, du phosphore et de l’azote, l’eau rejetée contient encore plusieurs polluants pouvant affecter le système hormonal, immunitaire et reproducteur des organismes aquatiques vivant en aval, dans le fleuve. «Mon objectif est de mieux comprendre les effets de ces polluants sur la faune du Saint-Laurent, dit la jeune chercheuse. J’étudie deux populations de brochets, ceux installés à la sortie de la station d’épuration, soit dans le panache de l’effluent, et d’autres qui se trouvent dans la région des îles de Boucherville.»
Des effets néfastes
Julie Reinling a constaté que les poissons résidant dans le panache de l’effluent accumulaient dans leur foie quatre fois plus de PBDE – substances chimiques servant de produits ignifuges – que ceux capturés en amont de la station d’épuration. Les réponses biologiques des brochets sont aussi différentes en fonction du sexe, souligne la chercheuse. «Chez les mâles, l’exposition à l’effluent est associée à des changements dans la transcription de gènes impliqués dans le métabolisme des acides gras et à une diminution de l’activité d’une enzyme responsable du catabolisme (phase du métabolisme) des acides gras. Chez les femelles exposées à l’effluent, on remarque une augmentation dans le plasma des niveaux d’hormones thyroïdiennes – dont l’un des rôles est d’intervenir dans la régulation du métabolisme énergétique – ainsi qu’une augmentation du pourcentage de lipides dans le foie, comparativement à ce qui est observé en amont.»
Récipiendaire d’une bourse d’excellence de 5 000 dollars de la Faculté des sciences, remise par la Fondation de l’UQAM en janvier 2106, Julie Reinling termine actuellement sa maîtrise sous la codirection du professeur du Département des sciences biologiques Jonathan Verreault, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en toxicologie comparée des espèces aviaires et membre du Centre de recherche en toxicologie de l’environnement (TOXEN).
En septembre dernier, l’étudiante figurait parmi les quatre lauréats 2016 du Concours de vulgarisation de la recherche organisé par l’Acfas. Elle a aussi remporté le premier prix dans la catégorie «Meilleures présentations orales étudiantes», lors du 20e congrès du Chapitre Saint-Laurent, tenu à Québec en juin dernier, et, plus récemment, le deuxième prix dans la catégorie «Masters» pour sa communication scientifique présentée au 37e colloque international de la Society of Environmental Toxicology and Chemistry (SETAC), qui s’est déroulé à Orlando, aux États-Unis. «Chaque année, la SETAC réunit des chercheurs et des étudiants de 2e et de 3e cycles de partout dans le monde, qui présentent des communications scientifiques, orales et par affiches», précise Julie Reinling.
L’étudiante, qui s’intéresse à la communication et à la vulgarisation scientifique, donnera une conférence sur son sujet de recherche dans le cadre de la série Les grandes enquêtes scientifiques, proposée par le Cœur des sciences aux élèves du secondaire. Intitulée «Saint-Laurent pollué: cocktail toxique pour les brochets», la conférence aura lieu à l’amphithéâtre (SH-2800) du pavillon Sherbrooke le 13 avril prochain.