De nombreux chercheurs s’intéressent aux bienfaits de la méditation basée sur la présence attentive (ou pleine conscience), une forme d’entraînement de l’esprit visant à développer l’attention et la vigilance. «Il existe une base de plus en plus solide de résultats empiriques montrant les bénéfices de la méditation auprès de différentes populations cliniques comme les patients atteints du cancer, ceux éprouvant des douleurs chroniques ou aux prises avec des troubles d’anxiété», explique le professeur Simon Grégoire, du Département d’éducation et de pédagogie.
La pratique régulière de la méditation basée sur la présence attentive aiderait ces patients à réduire les symptômes associés à l’anxiété et au stress, tout en améliorant leur santé psychologique de manière globale. Des résultats similaires obtenus auprès de populations non cliniques, en analysant différents programmes d’interventions basées sur la présence attentive (méditer assis, sur le dos, en marchant ou en mouvement par des exercices de yoga) instaurés dans les milieux scolaire et professionnel, par exemple, ont aussi été observés. Les programmes mis de l’avant dans les écoles aideraient les enfants à mieux gérer leurs émotions et leur impulsivité. Quant aux interventions menées dans les entreprises, elles ont permis à plusieurs employés de réduire leurs symptômes associés à l’épuisement professionnel et à la dépression.
Tels sont les constats auxquels sont arrivés Simon Grégoire et ses collaborateurs, les professeurs Lise Lachance, du Département d’éducation et de pédagogie, et Louis Richer, du Département des sciences de la santé de l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC) dans La présence attentive (mindfulness), un ouvrage publié récemment aux Presses de l’Université du Québec. Dans une optique critique, l’ouvrage fait état des connaissances les plus récentes concernant la présence attentive, analyse son apport dans différents milieux et auprès de différentes clientèles, telles que les proches aidants et les victimes de traumatismes sexuels.
Un domaine de recherche récent
Bien que les résultats des recherches soient encourageants, Simon Grégoire demeure prudent. «C’est un domaine de recherche assez jeune. Les recherches ont débuté au début des années 2000 et il reste encore difficile d’évaluer les effets à long terme de ces interventions, de comparer l’efficacité des différentes méthodes entre elles ou avec d’autres types d’intervention. Il ne faut pas, par ailleurs, voir ces interventions comme des solutions miracle ou encore comme une panacée à tous les problèmes», remarque celui qui est directeur du Groupe de recherche et d’intervention sur la présence attentive de l’UQAM (GRIPA). Les chercheurs du GRIPA mènent plusieurs projets scientifiques auprès de clientèles cliniques et non cliniques. Le projet Virgule offre gratuitement, durant l’année universitaire, des séances guidées de méditation basée sur la présence attentive aux étudiants de l’UQAM. Au printemps 2016, des chercheurs du GRIPA documenteront les effets de la pratique sur les participants.
Devant l’engouement suscité par la méditation au cours des dernières années, Simon Grégoire rappelle qu’elle ne sied pas à tout le monde et qu’elle est même contre-indiquée pour les personnes souffrant de troubles de la dépersonnalisation ou psychotiques. «Il faut apprivoiser la pratique et ses effets bénéfiques ne sont pas immédiats, dit-il. C’est une activité qui demande un effort, une rigueur et une discipline.»
Les effets sur le cerveau
Les études en neuroscience explorent les effets de la méditation sur l’anatomie et le fonctionnement du cerveau (cognitif, émotionnel). On tente de déterminer comment la pratique peut modifier certaines zones du cerveau, les circuits neuronaux impliqués dans la pratique méditative, ou encore s’il existe des différences morphologiques entre le cerveau des méditants et celui des non pratiquants. Même la génétique pourrait être modifiée par la méditation! Ces études en sont encore à leurs premiers balbutiements, mais de plus en plus de chercheurs s’y intéressent, dont Louis Richer, de l’UQAC.
«Les recherches liées à la neurophénoménologie constituent aussi une piste d’avenir intéressante, puisqu’elles combinent des informations subjectives et objectives, ce qui nous donne un portrait plus complet de la pratique de la méditation et des pratiquants, mentionne Simon Grégoire. Elles consistent à voir en direct le cerveau de la personne qui médite. Le méditant est invité à verbaliser ce qu’il expérimente en esprit pendant que l’on suit ses activités cérébrales au moyen d’un scan.»
En utilisant les nouvelles technologies, comme les applications sur les téléphones intelligents, les chercheurs peuvent peaufiner leurs méthodes de collectes de données. Auparavant, la présence attentive était le plus souvent mesurée au moyen de questionnaires auto-rapportés faisant référence à des événements du passé, ce qui entraîne des biais de mémoire. Selon Simon Grégoire, les nouvelles technologies permettent de récolter des données plus précises, «recueillies en temps réel dans l’environnement naturel des participants». En collaboration avec un doctorant, Simon Grégoire compte développer une application pour téléphone intelligent afin de mieux étudier le quotidien des méditants. De courtes questions leur seront envoyées sur leur portable à des moments aléatoires de la journée. «Les participants devront noter sur une échelle de 1 à 5 leur niveau de stress ou s’ils sont en train de faire une activité en cohérence avec leurs valeurs.»
Des clientèles spécifiques
De plus en plus de chercheurs s’intéressent aux interventions destinées à des clientèles spécifiques. La professeure et psychologue Natacha Godbout, du Département de sexologie, s’intéresse ainsi à l’intégration de la présence attentive dans le traitement et dans l’accompagnement de patients ayant vécu des traumas interpersonnels (abus sexuel, violence physique, etc.). Des résultats ont montré que la présence attentive, avec son approche de non-jugement et d’acceptation, avait permis, entre autres, de réduire les symptômes d’évitement et d’hyperactivation du stress post-traumatique chez les survivants des traumas.
«Méditer, c’est tourner son regard vers l’intérieur, observer ses émotions, tout en se montrant ouvert et curieux dans l’espoir que ces émotions perdent un peu de leur pouvoir sur nous, décrit Simon Grégoire. Mais la pratique de la méditation n’est pas anodine. Il est important d’être bien encadré et accompagné par un professeur qualifié et expérimenté.»