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Cinquante ans d’éducation

Un ouvrage codirigé par Pierre Doray dresse le portrait de l’évolution du système éducatif québécois.

Par Claude Gauvreau

28 juin 2016 à 16 h 06

Mis à jour le 27 juillet 2016 à 15 h 07

Les membres de la commission Parent, en 1961. Monseigneur Alphonse-Marie Parent, président, est au centre. Troisième à partir de la droite, on aperçoit le sociologue Guy Rocher. Photo: Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Au cours des cinq dernières décennies, le Québec a connu une grande effervescence en matière d’éducation. Où en est-on 50 ans plus tard? L’État, maître d’œuvre du système d’enseignement public depuis 1964, occupe-t-il toujours une place prépondérante? Joue-t-il un rôle plus effacé, plus discret? L’ouvrage collectif 50 ans d’éducation au Québec (Presses de l’Université du Québec), paru sous la direction de Pierre Doray, professeur au Département de sociologie, et de Claude Lessard, professeur émérite en sociologie de l’éducation à l’Université de Montréal, fournit des réponses à ces questions.

«Cet ouvrage est le fruit d’un colloque tenu en 2014 au congrès de l’Acfas, qui visait à souligner les 50 ans du ministère de l’Éducation du Québec, explique Pierre Doray. Nous avons voulu élargir le propos, notamment en examinant les différents volets du développement de l’éducation depuis 1960.» Ainsi, certains auteurs se penchent sur les politiques éducatives, comme le célèbre rapport Parent, et la gouvernance du système d’éducation, mais aussi sur ses principaux acteurs, soit les enseignants et les élèves. D’autres examinent les transformations vécues dans tous les ordres d’enseignement, du primaire à l’université en passant par la formation professionnelle et technique. Des thèmes clés, comme la démocratisation de l’accès aux études supérieures, la prise en compte de la diversité dans les écoles et le développement de la recherche, sont également abordés.

L’ouvrage insiste sur l’importance de redécouvrir une perspective humaniste pour développer l’éducation, souligne le professeur. «Une telle perspective, dit-il, implique un retour à des contenus de formation et à des approches qui font moins de place aux conceptions utilitaristes ou instrumentales de l’éducation.»

Rupture de trajectoire

Plusieurs contributions identifient une rupture de trajectoire dans les années 1980, en particulier vers le milieu de la décennie. «C’est une période où l’université et l’école publique, surtout au secondaire, évoluent dans des univers de plus en plus concurrentiels, où la pensée néolibérale prend son essor et où se développe la nouvelle approche du management public, qui se manifeste par une gestion axée sur les résultats, observe Pierre Doray. Puis, se sont ajoutés les problèmes de financement public de l’éducation, alors que l’État se livre à des compressions importantes. Le discours dominant, à caractère économique, porte sur le déficit, en particulier celui des universités.»

Fait à noter, le ministère en charge de l’éducation a changé de nom à sept reprises depuis 1985. «Loin d’être anodins, ces changements concernent la place de l’enseignement postsecondaire et les enjeux relatifs à la science et à la technologie, note le sociologue. L’enseignement postsecondaire doit-il avoir son propre ministère ou doit-il être intégré dans un seul ministère? Au début, la science et la technologie sont intégrées au ministère de l’Enseignement supérieur. Par la suite, ces deux domaines sont renvoyés dans des ministères à vocation économique.»

Prospectives

L’ouvrage traite également de l’école d’aujourd’hui et de demain. Sa dernière partie présente des contributions prospectives sur la façon d’envisager l’évolution du système d’éducation au Québec au cours des prochaines années. Les propositions, très différentes les unes des autres, révèlent la difficulté d’atteindre un consensus en éducation sur des scénarios d’avenir et des projets mobilisateurs. «La question éducative est une question profondément politique dans la mesure où l’école et l’éducation en général sont des institutions qui marquent profondément l’identité des individus, leurs possibilités d’agir et leurs horizons de vie. Aujourd’hui, chacun a une opinion sur ce que l’école doit être et doit faire», souligne Pierre Doray.

Le thème de la démocratisation, lui, demeure présent mais s’élargit, poursuit le chercheur. «La démocratisation n’est plus seulement une question d’accessibilité, dit-il. Il faut aussi créer des conditions favorables à la réussite des études, notamment pour les élèves ayant des difficultés d’apprentissage ou des besoins particuliers.»

À l’époque des grandes réformes de la Révolution tranquille, l’éducation était une priorité collective pour les Québécois. Est-ce encore le cas 50 ans plus tard ? «Oui, si on tient compte de l’importance des investissements publics en éducation, indique Pierre Doray. En même temps, on présente le projet éducatif  comme un projet essentiellement individuel, en insistant sur le fait que chacun doit trouver sa voie. En 2012, quand le gouvernement Charest a voulu imposer une augmentation des frais de scolarité à l’université, il a eu recours à des arguments individualistes en distinguant la part de l’État et celle des étudiants.»

Contributions uqamiennes

En plus de Pierre Doray, d’autres professeurs de l’UQAM ont collaboré à l’ouvrage 50 ans d’éducation au Québec. L’ancien recteur Claude Corbo signe un chapitre consacré aux origines du rapport Parent, tandis que Pierre Lucier, professeur invité au Département de sciences des religions, analyse l’évolution des politiques publiques en éducation. Paul Bélanger, professeur associé au Département d’éducation et formation spécialisées, s’intéresse pour sa part au projet de l’éducation tout au long de la vie. Enfin, Yves Gingras, professeur au Département d’histoire, décrit un demi-siècle de développement de la recherche universitaire au Québec.