Une découverte issue du Laboratoire de génétique moléculaire du développement de l’UQAM devrait paver la voie à une meilleure compréhension des facteurs génétiques de la maladie de Hirschsprung. Causée par un sous-développement du système nerveux dans les intestins, cette maladie affecte en majorité des garçons. «Nous avons réussi à créer un modèle de souris qui réplique, pour la première fois, le biais sexuel associé à la maladie», affirme Nicolas Pilon. Le professeur du Département des sciences biologiques participera à la mi-avril à Rotterdam au quatrième symposium international sur le développement du système nerveux entérique, en compagnie de trois étudiants de son laboratoire. Il y présentera les plus récentes avancées de son équipe, qui ont fait l’objet d’un article publié récemment dans la revue PLOS Genetics.
Nicolas Pilon s’intéresse aux neurocristopathies, une famille de maladies causées par un dérèglement des cellules de la crête neurale (CCN), lesquelles migrent au stade embryonnaire dans l’ensemble du corps et participent à la formation de structures comme l’oreille interne, le visage, le cœur, la pigmentation de la peau et le système nerveux intestinal.
La maladie de Hirschsprung, aussi appelée mégacôlon aganglionnaire, affecte environ un individu sur 5000. Lors du développement de l’embryon, les CCN migrent de l’œsophage et de l’estomac vers l’anus afin de coloniser le système gastro-intestinal. «Dans le cas de la pathologie, elles ne se rendent pas jusqu’à l’anus, explique Nicolas Pilon. Une longueur variable du côlon sera dépourvue des cellules du système nerveux entérique, lequel a pour principale fonction de contrôler la motilité de l’intestin. Les muscles demeurent donc contractés et les nouveau-nés souffrent de constipation pouvant aller jusqu’à causer la mort par empoisonnement. C’est une condition très grave, généralement détectée peu de temps après la naissance.»
La seule façon de traiter cette condition médicale est la chirurgie. «C’est très invasif comme procédure, il y a beaucoup d’effets secondaires et certains enfants n’en réchappent pas, précise le chercheur. Voilà pourquoi il importe de mieux comprendre les causes génétiques liées au développement des cellules de la crête neurale dans un premier temps, ceci afin de pouvoir développer des thérapies alternatives dans un second temps.»
Précieuses souris
La maladie de Hirschsprung a été décrite il y a plus de 100 ans et le premier gène identifié et associé à cette maladie l’a été en 1994. «Il n’y a pas qu’un gène en cause, mais bien des combinaisons de mutations dans différents gènes, et la majorité de ces mutations est encore inconnue, explique le chercheur. On ne sait pas non plus pourquoi les garçons sont plus affectés que les filles.»
Nicolas Pilon et son équipe sont parvenus à répliquer le biais sexuel de la maladie en procédant par criblage génétique avec des souris. Malgré la complexité des manipulations génétiques, le principe de cette technique est simple: on injecte un gène responsable de la pigmentation dans l’ADN de souris albinos. «Les cellules mélanocytes, responsables de la pigmentation de la peau et des poils, proviennent également de la crête neurale, explique Nicolas Pilon. En injectant ce gène, on a constaté que la majorité des souris redevenaient pigmentées de manière uniforme. Quelques-unes se sont toutefois retrouvées avec une pigmentation accompagnée de taches blanches. Ces zones blanches indiquent un problème au niveau des cellules de la crête neurale.»
Les chercheurs ont identifié six lignées de souris qui ont manifesté des problèmes liés aux CCN. «En ciblant ces lignées, d’autres croisements génétiques ont permis de répliquer des pathologies connues, comme la maladie de Hirschsprung, le syndrome de Waardenburg, le syndrome de Waardenburg-Shah et le syndrome CHARGE», poursuit le chercheur.
Trois lignées ont permis de répliquer la maladie de Hirschsprung et une lignée en particulier présente le biais sexuel que l’on retrouve chez l’humain, à savoir que ce sont presque uniquement les mâles qui en sont affectés.
Cette nouvelle lignée de souris permettra sans doute à Nicolas Pilon et d’autres chercheurs dans le monde de faire des bonds de géant dans la compréhension des mécanismes à l’origine de cette «discrimination» génétique.