Inquiets pour leur avenir en raison des compressions budgétaires gouvernementales, des sommes nécessaires à l’entretien de leurs bâtiments et de la fin imminente du bail qui les lie à la Commission scolaire de Montréal (CSDM), les six Centres d’éducation populaire (CÉP) de Montréal ont reçu d’importants appuis, le 12 décembre dernier. Ces appuis ont été donnés dans le cadre du dévoilement d’un rapport de recherche publié par Paul Bélanger, professeur au Département d’éducation et de formation spécialisées, Anouk Bélanger, professeure au Département de communication sociale et publique, et David Labrie-Klis, étudiant à la maîtrise en sociologie, en collaboration avec le Service aux collectivités et les CÉP. Éric Thibault, sous-ministre adjoint au Soutien aux réseaux et aux enseignants du ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), Marc Turgeon, vice-recteur à la Vie universitaire, de nombreux députés fédéraux et provinciaux de la région de Montréal ainsi que plusieurs représentants des CÉP assistaient à l’événement, qui se tenait à la salle Jean-Claude-Lauzon du pavillon Judith-Jasmin Annexe.
Le rapport conclut que l’action des CÉP a un impact majeur sur les populations des quartiers où ils sont implantés. «Pour beaucoup d’adultes, ces centres permettent de se refamiliariser avec l’éducation, de retrouver la confiance dans leur capacité d’apprendre et d’être mieux outillés pour résoudre leurs problèmes quotidiens», explique Paul Bélanger. Réalisant un travail de proximité qui renforce le tissu social, ces lieux de formation non traditionnels permettent de s’informer, de se former et d’entreprendre des démarches d’éducation, d’insertion sociale et de prise en charge. «Les CÉP assurent à tous les citoyens, peu importe leur degré de scolarité et leurs moyens financiers, l’accès à l’éducation tout au long de leur vie et dans tous les domaines», souligne le professeur.
Le sous-ministre adjoint a reconnu que ce rapport établit clairement la spécificité des CÉP, lesquels touchent l’éducation, la santé et les services sociaux et la sécurité sociale. «Ce rapport documente les scénarios possibles pour trouver une solution pérenne au financement de leurs activités et présente des recommandations claires qui interpellent le MELS, la CSDM et le gouvernement dans son ensemble», a déclaré Éric Thibault.
«Les CÉP ne mourront pas, a ajouté Carole Poirier, députée du Parti québécois dans Hochelaga-Maisonneuve. Nous travaillons depuis trois ans avec le MELS, la CSDM et la ville de Montréal pour trouver la meilleure solution.» L’optimisme était aussi de mise du côté des CÉP, mais de façon plus modérée. «Je crois que la solution est proche, a dit Louise Montgrain, directrice du pavillon d’éducation communautaire Hochelaga-Maisonneuve. Nous avons de belles paroles depuis plusieurs années, mais nous avons hâte de recevoir des engagements écrits.»
Que sont les Centres d’éducation populaire?
Les CÉP offrent des formations (santé, alimentation équilibrée, informatique, rôle parental, langues), des ateliers pratiques (cuisine, couture, peinture), des services d’aide (clinique juridique, clinique d’impôt, logement, gestion des dettes) et des activités de loisirs. «C’est également un lieu de rencontre important dans le quartier, qui sort les gens de leur isolement et leur permettent d’améliorer leur qualité de vie», ajoute Paul Bélanger.
Dans plusieurs pays à travers le monde, l’éducation populaire constitue l’un des trois piliers de l’éducation des adultes aux côtés de la formation académique et de la formation reliée au travail. Ce fut le cas au Québec après la Révolution tranquille: à la fin des années 1970, plus de 300 000 personnes participaient aux activités de ces centres. Toutefois, au milieu des années 1980, l’éducation populaire a été exclue de la politique québécoise de l’éducation des adultes, la faisant pratiquement disparaître de la province. Seuls six centres autogérés ont survécu à Montréal «grâce à leur forte intégration dans leur quartier respectif, à la ténacité de leurs équipes dirigeantes et à l’appui de la commission scolaire, qui leur ont offert gratuitement des locaux, certains services et une subvention annuelle», mentionne le rapport.
Ces six centres, fondés entre 1969 et 1977, sont le Carrefour d’éducation populaire; le Comité social Centre-Sud; le Comité d’éducation des adultes de la Petite Bourgogne et de Saint-Henri; le Pavillon d’éducation communautaire Hochelaga-Maisonneuve; les Ateliers d’éducation populaire du Plateau; et le Centre éducatif et communautaire René-Goupil. Leurs activités rejoignent plus de 7000 adultes de tous âges, chaque année, et chacun des centres compte entre 600 et 1000 membres.
Compressions et échéance du bail
La santé financière fragile de ces centres ne date pas d’hier. Dès les années 1990, des restrictions budgétaires imposées à la Commission des écoles catholiques de Montréal (ancêtre de la CSDM) ont limité l’aide financière accordée aux CÉP. Des compressions budgétaires successives imposées à la CSDM depuis 2007 ont rendu la situation encore plus critique.
Dans ce contexte de compressions, la présidente de la CSDM, Catherine Harel-Bourdon a récemment confié à La Presse que la commission scolaire n’avait plus les moyens d’entretenir les immeubles où logent les six centres, qui nécessitent d’importants travaux de réfection. «On estime à environ 20 millions de dollars les coûts pour réparer les six bâtiments», mentionne Paul Bélanger.
La CSDM mentionnait également qu’elle n’a plus les moyens de renouveler gratuitement le bail qui la lie aux CÉP et qui arrive à échéance en mai 2015, ni de continuer à leur offrir leur subvention annuelle pour assurer leur fonctionnement.
Sur ces derniers points, le sous-ministre adjoint Éric Thibault, s’est fait rassurant. «Les discussions entre le MELS et la CSDM vont bon train, les scénarios de solution évoluent positivement. Nous sommes à la recherche d’une solution pérenne.»