
Les causes précises de l’autisme demeurent inconnues à ce jour. Selon de nombreuses études étiologiques, l’apport de la génétique serait de l’ordre de 70 % à 90 %, alors que les facteurs environnementaux restent à être validés. Présent dans tous les groupes ethnoculturels et socioéconomiques, le trouble du spectre de l’autisme (TSA) affecte les garçons cinq fois plus souvent que les filles, «un phénomène s’expliquant en grande partie par un trouble neurodéveloppemental à forte composante génétique», dit Mélina Rivard, professeure au Département de psychologie et directrice du Laboratoire d’étude des problématiques comportementales en autisme et des autres retards du développement (ÉPAULARD).
L’autisme recouvre un large spectre de symptômes dont les types, le nombre et la gravité varient selon les enfants. «L’outil diagnostic DSM-5, paru en 2013, relie le trouble du spectre de l’autisme à deux domaines de symptômes présents tôt dans l’enfance, soit le déficit de communication sociale et les comportements et intérêts restreints et répétitifs», explique la professeure.

Mélina Rivard s’intéresse depuis longtemps au phénomène de l’autisme. C’est ce qui l’a incitée à entreprendre des études universitaires, d’abord en enseignement en adaptation scolaire et sociale, puis en psychologie. Membre aujourd’hui de la Chaire de recherche en déficience intellectuelle et troubles du comportement, dont la titulaire est sa collègue Diane Morin, professeure au même département, la jeune chercheuse de 32 ans a participé, depuis 2009, à divers projets d’étude qui ont obtenu des subventions totalisant plus de 2,5 millions de dollars.
Troubles concomitants
Les recherches de Mélina Rivard se déploient autour de trois grands axes. L’un d’eux concerne les jeunes enfants qui manifestent un TSA, mais aussi des troubles du comportement. Il n’est pas rare, en effet, que l’autisme se présente en cooccurrence avec le trouble anxieux, des comportements violents ou agités, ou encore avec un retard intellectuel et des problèmes de santé physique. Un chevauchement important existe notamment entre le TSA et la déficience intellectuelle. «Une étude menée auprès de 250 enfants âgés de 2 à 5 ans ayant reçu un premier diagnostic d’autisme a montré que 40 % d’entre eux présentaient aussi une déficience intellectuelle. Celle-ci se caractérise par des limitations significatives du fonctionnement intellectuel – QI inférieur à 70 – et du comportement adaptatif – autonomie, relations sociales, résolution de problèmes –, lesquelles doivent survenir avant l’âge de 18 ans», note la professeure.
Mélina Rivard insiste sur l’importance de traiter l’ensemble de ces problèmes pour éviter l’exacerbation du TSA. Grâce à une subvention récente, elle compte mener au cours des cinq prochaines années une étude visant à établir des normes pour les tests de dépistage de troubles concomitants ainsi que des outils d’évaluation des facteurs de risque. «Les connaissances sont encore peu avancées dans ce domaine, dit la chercheuse, mais le Québec est à la fine pointe des recherches.»
Intervention intensive
Un autre axe de recherche regroupe quatre projets subventionnés portant sur l’évaluation des programmes d’intervention précoce, notamment le programme d’intervention comportementale intensive (ICI), qui mise sur l’apprentissage de comportements facilitant l’intégration à l’école.
«Plus on agit tôt et de façon intensive, plus on a de chances d’éviter la cristallisation des symptômes et des comportements problématiques», affirme Mélina Rivard. Implanté au Québec depuis 2003, le programme ICI a fait ses preuves, soulignent la plupart des études. «L’Institut national d’excellence en santé et services sociaux (INESS) a publié récemment un avis s’appuyant sur plusieurs méta-analyses, lesquelles confirmaient l’efficacité du programme. Il y a au moins neuf autres pays dans le monde, dont les États-Unis, la France et l’Australie, qui l’appliquent de façon universelle», observe la professeure.
Certaines études soutiennent qu’il faudrait intervenir de manière intensive un minimum de 25 heures par semaine pour que le programme soit pleinement efficace. Or, la moyenne québécoise est de moins de 20 heures. «Mon équipe a évalué 300 enfants de la Montérégie qui avaient bénéficié du programme ICI de 16 à 20 heures par semaine, pendant trois ans. Les résultats ont révélé que ces enfants avaient fait des progrès substantiels», souligne Mélina Rivard, qui reconnaît en même temps la nécessité d’intervenir de façon toujours plus intensive. «Idéalement, c’est ce que l’on doit faire, dit-elle. Il faut tenir compte, toutefois, des limites imposées par divers facteurs : les longues listes d’attente, les ressources distribuées inégalement selon les régions et les lacunes dans la formation des intervenants.»
Soutenir les familles
La professeure s’intéresse enfin aux grands oubliés des études consacrées à l’autisme, soit les parents et familles, notamment ceux issus de l’immigration ou de milieux socio-économiques défavorisés, qui ne reçoivent pas toujours des services correspondant à leurs besoins. «Les taux de détresse, de dépression et de divorce dans ces familles sont particulièrement élevés et inquiétants», rappelle Mélina Rivard.
Les défis sont nombreux et consistent, entre autres, à documenter les situations et à déterminer quels services auront un effet bénéfique. «Nous savons déjà qu’il faut aider les parents à mieux comprendre le phénomène de l’autisme, tout en les outillant pour qu’ils soient capables de s’orienter sur l’autoroute extrêmement encombrée des services sociaux et de santé. Les parents ont aussi besoin de soutien afin d’intervenir efficacement auprès de leur enfant et ce, au quotidien.»